Un Mémento pour la forêt tropicale du 21e siècle

Memento du forestier tropical
Un Mémento pour la forêt tropicale du 21e siècle

Une refonte du Mémento du forestier tropical vient de paraître. Cet ouvrage de référence n’avait pas été actualisé depuis plus de 20 ans. Il décrypte les nouveaux enjeux de la forêt tropicale.

 

« Il y a 90 % de nouveau contenu par rapport à l’édition précédente qui datait de 1989 », lance Gilles Mille, à propos du nouveau Mémento du forestier tropical. Consultant forêt et environnement, il est l’un des deux coordinateurs de l’ouvrage avec Dominique Louppe, chercheur au Centre français de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Parue fin 2015, la nouvelle édition de ce vade-mecum de 1 200 pages était présentée au Salon de l’agriculture, organisé à Paris du 27 février au 6 mars 2016.

« Les nouveautés portent sur les bonnes pratiques, basées notamment sur l’adaptation au changement climatique, les certifications, la traçabilité, les paiements pour services environnementaux »,

énumère Gilles Mille.

L’ouvrage se veut un recueil technique pour la gestion durable des écosystèmes forestiers tropicaux. Sa réalisation a mobilisé, entre 2011 et 2015, une centaine d’auteurs, dont plus de 50 du Cirad. La vulgarisation et l’exhaustivité sont sans doute les deux points forts de ce manuel.

Les forêts, inscrites dans l’agenda européen et international

Depuis la dernière mise à jour du Mémento, il y a 26 ans, les forêts sont devenues un sujet à part entière dans l’agenda politique international, bien qu’aucune convention mondiale spécifique ne leur soit dédiée. Sur le terrain, du fait de la montée en puissance de la notion de responsabilité sociale des entreprises, la gouvernance des forêts tropicales s’est « améliorée au sein des unités exploitées », selon les auteurs. Cependant, un pan des activités reste encore en dehors de ce processus. Une autre tendance de fond réside dans l’implication des populations locales dans la gestion de leurs forêts.

Au niveau international, le Protocole de Kyoto, adopté en en 1997, entré en vigueur en 2005, s’est concrétisé par des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Les projets forestiers concernent plus de 20 % des crédits carbone échangés sur les marchés volontaires. Toutefois, des outils de financement comme REDD+ se heurtent à la faiblesse d’institutions nationales ou à la complexité des systèmes fonciers. S’ajoute la paralysie actuelle des négociations internationales sur les crédits carbone.


 

Parmi les outils de lutte contre l’exploitation forestière illégale, le Mémento en cite un qui soit « innovant et prometteur » : le FLEGT, le plan d’action de l’Union européenne, ou « Applications des réglementations forestières, gouvernance et échanges commerciaux », lancé en 2003 et qui agit à la fois sur l’offre et sur la demande en bois, en vue d’appuyer les filières légales.

La sylviculture, en quête du meilleur compromis

L’ouvrage est aussi un guide pratique de sylviculture. Il invite à prendre en compte la biodiversité dans la gestion forestière, autant que les bioagresseurs, les liens avec l’agriculture, ou encore les techniques d’exploitation à faible impact.

« La sylviculture de demain devra […] plus que jamais prendre en compte les compromis entre la production de biens (bois, produits forestiers non ligneux) et la préservation des services (biodiversité, carbone) »,

préconise le Mémento.

Le Mémento aborde l’ensemble de la filière, y compris la botanique, l’agroforesterie, la transformation et le conditionnement du bois, le bois-énergie. À noter, le succès non démenti depuis le début des années 2000 des bois tropicaux dans des applications extérieures, de type revêtements de sols (platelages). Enfin, un chapitre se consacre à la forêt comme patrimoine culturel ainsi qu’à la forêt sacrée.

De nouveaux champs pour la recherche et la technique

Pour autant, le sujet est loin d’être épuisé. En ce qui concerne les plantations forestières, le Mémento souligne le manque de connaissances scientifiques actualisées. Or, soulignent les auteurs, « seule une meilleure connaissance des caractéristiques écologiques, des modes de reproduction (le manque de semences est en effet un frein important) et des comportements sont à même d’élargir la gamme d’essences locales potentiellement utilisables en plantation ».

Des nouveautés techniques sont aussi attendues, par exemple via les satellites, pour suivre au plus près les chantiers forestiers. Le Mémento cite :

« Notamment les capteurs équipant les plateformes de la future constellation Sentinel-2, qui permettra d’observer tous les cinq jours, dans des conditions angulaires stables, les surfaces forestières tropicales (nonobstant la présence de nuages). »

Des enjeux d’autant plus d’actualité que les forêts tropicales continuent à perdre du terrain. Les pertes forestières entre 2005 et 2015 s’élèvent, selon les estimations, à plus de 6 millions d’hectares par an.

Chrystelle Carroy/Forestopic

Pour aller plus loin :
Mémento du forestier tropical
Collectif, coord. Gilles Mille et Dominique Louppe. Éditions Quae, novembre 215, 1 200 pages, 49 euros.
Livre accompagné d’une version numérique enrichie, disponible sur clé USB.

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