Hêtraie du Ventoux, avec quelques vieux bois et, au pied des arbres, des cavités favorables à la biodiversité (crédit photo: D. Afxantidis /Forêt Méd.)
Hêtraie du Ventoux, avec quelques vieux bois et, au pied des arbres, des cavités favorables à la biodiversité (crédit photo: D. Afxantidis /Forêt Méd.)

L’ORE, un levier d’or pour la biodiversité forestière?

 

Qui connaît l’« obligation réelle environnementale », l’« ORE » ? Discrètement créée par la loi de reconquête de la biodiversité du 16 août 2016, l’ORE commence tout doucement à se matérialiser sur des propriétés agricoles ou des espaces naturels, mais pas encore en forêt. L’association Forêt méditerranéenne a voulu y regarder de plus près : en région méditerranéenne, l’ORE peut-elle être un levier pour amener les propriétaires forestiers à la gestion et à la sylviculture ? 

« Les propriétaires de biens immobiliers peuvent conclure un contrat avec une collectivité publique, un établissement public ou une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement en vue de faire naître à leur charge, ainsi qu’à la charge des propriétaires ultérieurs du bien, les obligations réelles que bon leur semble, dès lors que de telles obligations ont pour finalité le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité ou de fonctions écologiques. »

La suite de l’article L132-3 du Code de l’environnement apporte quelques précisions complémentaires mais, avec cette première phrase, l’outil ORE est construit : un contrat dans la durée pour s’engager sur des actions à mener ou, au contraire, à refuser au profit de la biodiversité, un contrat entre le propriétaire et un cocontractant capable de lui apporter aide et appui dans la mise en œuvre de ses engagements.

L’ORE, un carburant de la gestion multifonctionnelle et durable de la forêt ?

Libre, souple et volontaire, l’ORE peut-elle être l’outil « à la main du forestier » qui lui permettra de donner à la biodiversité cette place de moteur de l’écosystème forestier et de carburant de la gestion multifonctionnelle et durable de sa forêt ? C’est tentant de l’envisager, ça vaut de le réfléchir, de le tester. C’est ce qu’a entrepris l’association Forêt méditerranéenne en organisant, le 9 décembre 2019 à Vergèze (Gard, Occitanie), une journée d’information et de débat sur l’ORE*.

Face aux incertitudes et aux menaces du changement climatique, dans cette région où la forêt est plus volontiers porteuse de services écosystémiques que productrice de bois, il est clair que la biodiversité constitue un atout prioritaire pour l’avenir des forêts. L’ORE est-elle un levier susceptible de conduire les propriétaires forestiers vers la gestion de leur patrimoine forestier et la sylviculture ? La journée de Vergèze a permis de présenter l’outil et d’ouvrir une large discussion sur les atouts et avantages de l’ORE, sur ses freins et ses contraintes.

Atouts et avantages ? Son caractère novateur et sa forme contractuelle ; son statut juridique qui attache formellement les engagements du propriétaire au bien immobilier ; son caractère volontaire et le libre choix donné au propriétaire de l’utiliser ou non ; sa souplesse et sa flexibilité (le propriétaire s’approprie l’outil et lui donne le contenu qu’il souhaite) ; sa solidité et la possibilité qu’il donne au propriétaire d’inscrire ses bonnes pratiques environnementales dans un temps qui lui survivra ; et, évidemment, sa finalité, c’est-à-dire respecter et préserver notre nature, ce qui la compose et ceux qui y vivent.

Freins et contraintes ? Ils relèvent d’abord du miroir de ce qui est considéré ci-dessus comme avantages : le flou de l’outil et le manque de références ; l’engagement dans la durée et la perspective de transmettre ou de vendre un bien « grevé d’une  obligation » qui serait susceptible d’entraîner une moins-value ; la crainte qu’avec cette même longue durée, l’outil devienne inadapté en fonction des changements climatiques, écologiques ou sociétaux. Ils relèvent ensuite, pour le propriétaire, de l’absence d’un avantage automatique, tel qu’un dégrèvement fiscal ou l’apport d’une subvention, et d’interrogations sur ce que va apporter le cocontractant : « un inventaire, un diagnostic, un apport scientifique et méthodologique, oui, c’est bien, mais qui va payer les travaux ? »…

Des pistes pour améliorer l’« obligation réelle environnementale »

Au terme de ce débat, il est évident qu’il faut poursuivre la mise en lumière de l’outil, le faire connaître, approfondir la discussion ; mais, il faut aussi réfléchir à la façon dont ou pourrait améliorer l’ORE. Le point principal à travailler est celui qui touche aux aspects financiers : un retour pécuniaire au regard du service environnemental ainsi apporté, aide financière ou disposition fiscale, serait un facteur d’incitation puissant. La question de la durée de l’engagement est aussi à travailler : l’idée a été évoquée que la durée du contrat ORE pourrait être la même que celle des plans de gestion sylvicoles.

Face à ces questions, on se prend à espérer que l’intelligence législative qui a présidé à la création de cet outil innovant perdure, et que, à l’analyse des premières ORE de cette période de démarrage, elle s’exprime par quelques retouches permettant de mettre l’ORE au bon niveau de réponse face aux enjeux si manifestes de « reconquête de la biodiversité ». Et permettant de susciter l’engagement de propriétaires forestiers à l’image de ce propriétaire normand de pré, haies et zones humides :

« Sur mon domaine, j’ai des zones de grand intérêt écologique : je veux absolument les conserver. Avec le conservatoire d’espaces naturels, nous avons engagé un dialogue, identifié ensemble les secteurs à protéger, précisé les choses à faire et les choses à ne pas faire. Par sa souplesse, par la liberté de choisir et la force juridique qui la caractérisent, j’ai vite compris que l’ORE était la formule qu’il me fallait. Je me suis engagé pour 99 ans. Je veux que ce que je fais pour la biodiversité me survive ! »

« Mettre la biodiversité au cœur de la politique forestière pour faciliter l’adaptation de la gestion », « établir une politique forestière fondée sur la biodiversité […] », le propos des six associations qui signent le tout récent rapport Forêts françaises en crise est clair : « […] La biodiversité a un rôle central, encore plus clé en temps de crise climatique : elle est le moteur de la production de ressources et de services de l’écosystème forestier. » L’ORE peut-elle aider à cela ?

La forêt, c’est le domaine du temps long. Il faudra plus d’une journée pour installer sereinement l’obligation réelle environnementale dans la panoplie des outils à la disposition des forestiers. En lien avec le conservatoire d’espaces naturels PACA, Forêt méditerranéenne envisage d’organiser, dans les mois qui viennent, une nouvelle journée sur le sujet, cette fois-ci en région Sud-Provence–Alpes-Côte d’Azur.

Charles Dereix, président de l’association Forêt méditerranéenne

* La revue Forêt Méditerranéenne rendra compte de cette journée dans son numéro en préparation et qui sera diffusé en fin d’été 2020.



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Rubrique humoristique et satirique de la forêt et du bois


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