Pick-up de surveillance DFCI (défense des forêts contre l’incendie), à proximité d’un point d’eau (crédit photo: DFCI Aquitaine/Narriman Mohammad)
Pick-up de surveillance DFCI (défense des forêts contre l’incendie), à proximité d’un point d’eau (crédit photo: DFCI Aquitaine/Narriman Mohammad)

Quelle politique de prévention des risques en forêt? Avis de recherche

 

Dans quelle mesure la flotte des avions bombardiers d’eau fait-elle l’objet d’une gestion comptable ? Comment se fait-il que la loi incendie qui était urgente en 2023 voit certaines de ses échéances repoussées ? Quelle stratégie française en la matière ?

 

L’actualité en matière de risque des incendies de forêt amène à lancer trois avis de recherche.

  1. Quid de la dotation aux amortissements des Canadairs ?

Suivant les départs de feux de forêt fin juin et juillet 2025, nombre de reportages, interviews, articles, jusqu’au journal Sud Ouest qui en fait sa Une du 31 juillet, sans oublier le rapport d’information de l’Assemblée nationale du 2 juillet : tous constatant le vieillissement de la flotte des Canadairs notamment s’interrogent sur son renouvellement et dans quels délais. Le tout, sans oublier le discours du président de la République, Emmanuel Macron, lors de sa conférence du 28 octobre 2022 après les grands incendies, annonçant l’achat de 16 avions, dont 12 à remplacer.

Mais voyons, de quoi parlons-nous ?

Que se passe-t-il en comptabilité publique ? Il y a bien, dans la section « investissement », un compte d’amortissement ? Le premier venu des comptables sait appliquer la règle des amortissements pour renouveler le matériel sur une durée de vie qui est fixée en fonction du type, de l’usage et de la fonction, entre 3 ans et 25 ans, voire plus. Cette technique comptable est justement faite pour penser et anticiper le renouvellement des matériels, des machines, des flottes de voiture, de camions, d’avions, etc., et provisionner les sommes nécessaires à cet effet : la dotation aux amortissements étant la principale recette de la section « investissement ».

Ne pas le faire constitue une faute de gestion grave, du moins dans le secteur privé, et conduirait au licenciement du comptable et de son directeur, a minima.

Où ce sujet est-il évoqué ? Nulle part ? Faut-il en conclure qu’en l’espèce la règle comptable sur les amortissements ne s’appliquerait pas en comptabilité publique ?

  1. Quid des obligations légales de débroussaillement ?

Mesure de prévention la plus immédiate, les obligations légales de débroussaillement (OLD) ont été actualisées et renforcées par la loi du 10 juillet 2023, votée suivant une procédure expresse, vu l’urgence de la situation après les incendies de l’été 2022 (près de 60 000 hectares parcourus). Les décrets d’application concernant ces OLD seront pris huit mois plus tard, en mars et avril 2024. Or, par arrêté du 1er avril 2025, leur application a été reportée en septembre 2025 : est-ce dire, d’une part, que ces OLD n’étaient pas encore appliquées, d’autre part, qu’elles ne sont toujours pas appliquées ?

Rappelons qu’elles sont censées s’appliquer le long des autoroutes, routes, voies ferrées, lignes électriques, interfaces entre les lotissements / habitats et la forêt…, autant de lieux d’où partent la majorité des feux.

Agnès Pannier-Runacher, ministre (à présent démissionnaire) de la Transition écologique (et bien plus) interpellée, à ce propos, par le sénateur Jean Bacci, le 9 juillet 2025, devant le Sénat, a cette phrase énigmatique : elle s’engage à « redire aux préfets la nécessité d’adapter les arrêtés afin de les rendre accessibles et tenir compte des réalités techniques et locales ». Donc, ce sont les préfets (et leurs services) qui bloquent l’application de la loi de 2023 (qui était urgente) et des décrets subséquents, mais pour quelles raisons ?

Ne sommes-nous pas encore dans le domaine de la faute de gestion, grave, au regard de l’urgence dans les départements classés à hauts risques feux de forêt notamment ? A fortiori, lorsqu’ils sont classés en rouge par le bulletin Météo des forêts ?

  1. Quid de la mise en défens de la forêt contre l’incendie ?

Dans la même séance, à propos de la « Stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre l’incendie », publiée le 5 juin dans l’indifférence générale, Madame la Ministre renvoie les élus locaux devant leurs responsabilités avec cette drôle d’affirmation : « Nous améliorons l’identification des zones les plus vulnérables et nous donnons aux collectivités des outils clairs pour agir et prévenir les feux. »

En fait de stratégie, il s’agit, au mieux, d’un catalogue de mesures, bien connues par ailleurs mais qui ne sont pas appliquées depuis les années 1980 et qui ne le seront pas plus aujourd’hui en l’absence de dispositifs contraignants et d’obligations. Nous sommes là encore dans le domaine de la faute, cette fois politique !

D’autant que Madame la Ministre semble oublier le statut singulier du maire qui, une fois élu, devient représentant de l’État dans sa commune et, à ce titre, officier de police judiciaire responsable des personnes et des biens.

Christian Pinaudeau, docteur en droit



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