Dans le bâtiment «Les Cimes», la majorité des éléments visibles des espaces intérieurs sont en sapin pectiné (revêtement, poutres en lamellé-collé). Des baies triangulaires dans les murs porteurs offrent un jeu d’ombre et de lumière rythmé par des claustras (crédit photo: Matthieu Gafsou)
Dans le bâtiment «Les Cimes», la majorité des éléments visibles des espaces intérieurs sont en sapin pectiné (revêtement, poutres en lamellé-collé). Des baies triangulaires dans les murs porteurs offrent un jeu d’ombre et de lumière rythmé par des claustras (crédit photo: Matthieu Gafsou)

Une salle polyvalente en sapin primée par le Prix international d’architecture bois 2019

 

La salle polyvalente « Les Cimes » vient de remporter le Prix international d’architecture bois 2019, décerné par des revues d’architecture. L’édifice situé au Vaud, petite commune de Suisse romande adossée au massif jurassien, se compose en majorité de sapin pectiné.

La salle polyvalente « Les Cimes » s’est vu décerner le Prix international d’architecture bois, remis à Nancy le 4 avril 2019. Érigé au Vaud, commune de 1 200 habitants, ce bâtiment public dédié aux activités sportives et communales, met en œuvre du bois local.

Marchés publics et « ressource locale »

Bien que le cadre des marchés publics suisses interdise de spécifier la provenance des matériaux, les maîtres d’ouvrage helvètes qui veulent développer des circuits courts peuvent se référer au guide Favoriser le bois suisse lors des appels d’offres, édité par Lignum, association chargée de la promotion du bois en Suisse. Ainsi, le syndic (équivalent du maire) du Vaud de l’époque, l’agriculteur Serge Beck, avait-t-il fait inscrire l’expression « ressource locale » au moment de l’élaboration du cahier des charges du projet.

L’architecte Laurent Saurer, l’un des trois associés de Localarchitecture, commente :

« Émanant d’une commune établie au pied du Jura vaudois, c’est une commande à demi-mot en faveur de l’emploi du bois et des essences locales. »

Fiche technique du projet
– Maîtrise d’ouvrage : Commune du Vaud.
– Architectes : Localarchitecture, Laurent Saurer, Manuel Bieler, Antoine Robert-Grandpierre, Giulia Altarelli, Elsa Jejcic.
– Ingénierie bois : Ratio Bois.
– Ingénierie béton armé : 2M ingénierie civil.
– Ingénierie fluides : Weinmann-Energies.
– Conception lumière : Étienne Gillabert, Aebischer & Bovigny.
– Entreprise bois : Amédée Berrut (charpente, menuiseries intérieures).
– Fournisseurs bois : Premand & Cie, Fournier André & Cie, JPF-Ducret, Lignatur, Rabotage du Rhône, Bourquin Bernard.
– Volume utile de bois : 333 m3, dont 146,5 m3 de bois suisse et 186,5 m3 de bois autrichien.

Le bois local, une démarche à anticiper

L’agence Localarchitecture compte, à son actif, plus d’une demi-douzaine d’ouvrages employant le bois en structure – écoles, logements ou maisons individuelles. Pour ce projet, les architectes se sont adjoint les services de Ratio Bois, bureau d’études spécialisé dans la construction bois en circuits courts.

Comme le rappelle Marcel Rechsteiner, ingénieur bois, cogérant de Ratio Bois :

« L’emploi de bois local dans un projet passe avant tout par un travail de sensibilisation auprès de la maîtrise d’ouvrage. Plus tôt la demande est intégrée, plus elle est simple à mettre en œuvre. C’est plus délicat quand ces questions arrivent à mi-parcours ; elles peuvent notamment engendrer des surcoûts. »

Une architecture intégrée à son environnement

Avec une toiture ciselée rappelant celles des fermes traditionnelles des alentours et qui souligne la chaîne de montagne en arrière-plan, le bâtiment « s’intègre aux constructions rurales environnantes », observe Jutta Glanzmann, architecte, rédactrice du Bulletin Bois publié par Lignum et membre du jury du Prix.

Située à proximité du village et de l’école communale, la salle polyvalente est recouverte d’une tôle industrielle et d’un bardage de mélèze étuvé, au préalable poncé pour réduire son humidité, puis brossé pour en faire ressortir les veines et enfin lasuré afin de le rendre hydrophobe.

La volumétrie des «Cimes» rappelle les charpentes environnantes et souligne la chaîne de montagne jurassienne (crédit photo: Matthieu Gafsou)
La volumétrie des «Cimes» rappelle les charpentes environnantes et souligne la chaîne de montagne jurassienne (photo: Matthieu Gafsou)

Hormis le revêtement de la toiture, la dalle de soubassement et quelques murs en béton, l’ensemble de l’édifice est réalisé en bois. La teinte claire des éléments de charpente et des revêtements intérieurs en sapin blanc renforce la luminosité des espaces, éclairés par des ouvertures triangulaires intégrant des parois ajourées ou claustras.

Un lieu hybride, accueillant à la fois des activités sportives, des réunions associatives et des spectacles, se doit d’être libéré de tout porteur qui pourrait obstruer l’espace. Aussi, en cherchant à minimiser l’impact au sol de la structure et à dissimuler les équipements techniques (comme les paniers de basket), les concepteurs ont développé un système constructif singulier : une série de poutres secondaires assiste une poutre faîtière triangulée de 38 mètres de long, réalisée en lamellé-collé.

Une charpente en circuit court

Montée dans les ateliers de l’entreprise Amédée Berrut, située à une cinquantaine de kilomètres du chantier, cette poutre faîtière hors norme y a été transportée en deux parties afin de respecter les contraintes des gabarits routiers.

« Tous les éléments structurels et massifs de la charpente, à l’exception de ceux en lamellé-collé, proviennent de la scierie Premand & Cie implantée [à moins de 10 km] de chez nous, à Troistorrent », signale Yann Favre, technicien construction bois en charge du projet chez Amédée Berrut.

Quant à JPF-Ducret, fournisseur des poutres en sapin blanc, il produit du bois lamellé-collé (et des panneaux de lamellé-croisé ou CLT depuis novembre 2018) à partir de bois exclusivement suisse. « Nous nous nous fournissons principalement auprès de deux scieries situées dans un rayon de 50 km, Zahnd et Despond », affirme William Blanc, responsable de production chez JPF-Ducret.

Et la scierie Zahnd s’approvisionne à 95 % en bois provenant des massifs suisses, selon Thierry Zahnd, l’un de ses trois codirecteurs.

Les produits transformés à partir de bois suisse peuvent être certifiés « COBS, Certificat d’origine bois suisse ». Géré par Lignum, la marque peut être apposée aussi bien sur un produit que sur des documents d’accompagnement. Cependant, la salle polyvalente n’a pas pu être labellisée. Elle comporte en effet une partie notable de bois autrichien dû à l’emploi de panneaux acoustiques en résineux, fabriqués par l’entreprise suisse Lignatur, qui se fournit dans le pays voisin.

Sapin pectiné et architecture contemporaine suisse
Le sapin blanc (Abies alba) ou sapin pectiné (Abies pectinata) porte deux noms pour la même essence (source : ONF). L’un fait référence à la blancheur de son tronc, tandis que l’autre évoque la forme en dents de peigne de ses aiguilles disposées de chaque côté du rameau. D’après la version 2018 de l’annuaire forestier suisse La forêt et le bois, le sapin blanc représente, en volume sur pied, 14,9 % de la forêt du pays, majoritairement composée de résineux. Après l’épicéa (43,7 %) et le hêtre (18,1 %), il constitue la troisième essence la plus répandue dans les massifs helvètes. S’il connaît récemment un regain d’intérêt en France (où il couvre 4 % du massif forestier), on le retrouve en Suisse dans de nombreux bâtiments, tant dans les constructions agricoles vernaculaires du Jura que dans des édifices plus contemporains ou en zone urbaine dense. En témoignent la « maison des ours » dans le zoo de Berne (Architekturbüro Patrick Thurston) ou encore les trois immeubles de logements de six niveaux du lotissement Freilager Albisrieden à Zürich (Rolf Mühlethaler Architekt), l’une des premières structures en bois moyenne hauteur de Suisse.
Le sapin blanc n’en est pas moins dénué de contraintes. « Cette essence est difficile à trouver en ce moment, assure William Blanc, de JPF-Ducret. La dernière fois qu’elle nous a été prescrite dans un projet, nous avons dû opter pour l’épicéa, faute d’approvisionnement. Mais, le sapin blanc reste moins cher que son concurrent. »
Le scieur Thierry Zahnd témoigne : « Par rapport à l’épicéa, le sapin pectiné nécessite 30 % supplémentaire de temps de séchage et comporte davantage d’incertitudes, comme des cœurs fendus. Son emploi signifie plus de contraintes et de surprises, mais le travailler n’est pas impossible. De plus, avec le danger des scolytes typographes qui guette l’épicéa, il faudra peut-être commencer à adapter massivement l’emploi du sapin blanc pour les bois collés. »

Reconstruction avant livraison

Le bâtiment porte une histoire singulière. Il a été victime d’un incendie, déclenché pendant le chantier, lors de travaux sur l’étanchéité de la toiture, un mois avant la date prévue pour son inauguration. Si la majeure partie du bâtiment a été détruite, les fondations ont résisté, et les frais de déblaiement et de reconstruction ont été couverts par l’Établissement cantonal d’assurance.

« Le processus de reconstruction a permis d’approfondir chaque détail et de parfaire l’édifice »,

note Laurent Saurer, de Localarchitecture.

La reconstruction fut l’occasion de porter une attention renforcée dans la minutie aux éléments techniques et à l’agencement. Les concepteurs ont ainsi livré une version plus aboutie de la salle polyvalente « Les Cimes ».

Margotte Lamouroux,
architecte et journaliste, cocréatrice du Prix international d’architecture bois

Prix international d’architecture bois : 18 projets en lice en 2019
Le Prix international d’architecture bois, décerné par des titres de presse spécialisés en architecture, est une distinction annuelle qui valorise une réalisation architecturale en bois exemplaire à travers le monde. Six revues d’architecture ont pris part à cette deuxième édition 2019 – Bulletin Bois-Lignum (Suisse), Mikado (Allemagne), PUU (Finlande), Séquences Bois (France), Trä (Suède), Wood Design&Building Magazine (Canada) –, afin de désigner un ouvrage lauréat parmi les 18 projets en lice.
La sélection des lauréats se fait en plusieurs étapes. Chaque magazine représente un pays et propose trois projets, toutes typologies confondues, ayant été livrés sur son territoire l’année précédente. Une première sélection est effectuée par vote électronique après examen des dossiers. Les rédacteurs en chef choisissent ensuite, lors du jury en visio-conférence tenu dans les locaux de FCBA, un unique projet à récompenser parmi cette liste de nominés. Les participants ne peuvent pas voter pour une réalisation qu’ils ont eux-mêmes déposée. La cérémonie de remise des prix se tient chaque année au Forum Bois Construction.



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Rubrique humoristique et satirique de la forêt et du bois


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