La Grive des bois, plume légère et satirique de la forêt et du bois

De Chambord à Compiègne: un président, des forêts et des chasseurs à courre... tisant

 

La visite du président Emmanuel Macron à Chambord, à l’occasion de son 40e anniversaire, a surpris plus d’un commentateur en décembre 2017… sauf à la remettre aujourd’hui dans son contexte cynégétique.

En venant fêter ses 40 ans à Chambord, en décembre 2017, le président de la République Emmanuel Macron a braqué le viseur médiatique sur ce site emblématique qui est un château, et qui est aussi un haut lieu pour l’activité de la chasse. En plus de Saint-Hubert, saint patron des chasseurs, quel besoin soudain d’assurer, sur ce loisir, la haute protection (médiatisée) du président de la République ?

Chasses présidentielles entre les murs

Dans le plus grand parc forestier muré d’Europe (près 5 500 hectares), le domaine est historiquement réputé pour sa porosité entre l’univers de la chasse et celui du pouvoir, à travers les « chasses présidentielles ».

Mais, comme le délaye le rapport sur le projet d‘établissement 2015-2020 du domaine de Chambord, le président François Mitterrand n’en était pas féru. Le mandat de Jacques Chirac s’est traduit dès 1995 par la dissolution du comité des chasses présidentielles, par la réduction du format des chasses de Chambord et par leur ouverture aux présidents de fédérations de chasseurs.

La suppression effective des chasses présidentielles, par Nicolas Sarkozy en juin 2010, a rompu tout lien entre Chambord et la présidence de la République dans l’organisation des chasses. Les invitations n’étaient plus accordées au nom du président de la République, générant au passage une économie de 60 000 euros pour l’Élysée. Sous François Hollande, Chambord ne reçoit plus aucune instruction dans sa politique d’invitations. Fini donc le terrier à copains !

Et vive le tourisme cynégétique du peuple ! 

C’est vers un tourisme « autour de la chasse » que s’est orienté le domaine de Chambord. Ainsi par exemple, il vous en coûtera 200 euros pour aller écouter le cerf en 4x4. Et paradoxalement, ce n’est pas le ministère de la Transition écologique et solidaire (MTES) qui bramera contre ces véhicules qui n’ont de solidaire que la motricité de leurs 4 roues, car le MTES soutient financièrement cet établissement public.

Le domaine est également devenu une vitrine à l’international pour vanter la grandeur et le savoir-faire de la filière forêt bois française, comme en témoigne une récente visite diplomatique de conseillers agricoles. Pour ceux qui ne seraient pas du sérail « diplo » ou qui ne pourraient pas s’offrir le safari ligérien, rassurez-vous : une boîte à brame est en vente « exclusive » à Chambord.

Un marché aussi fermé que l’est le domaine : un marché de niche.

À chasser la chasse...

Les cervidés de Chambord vont-ils ouvrir la marche à ceux de Compiègne ? Car c’est en forêt de Compiègne et ses environs qu’est née à cor et à cri une contestation contre la chasse à courre, depuis octobre 2017, selon Le Parisien. Et la sénatrice Laurence Rossignol, qui n’est pas « En Marche », d’emboîter le pas en déposant une proposition de loi pour interdire les véneries. Idem du coté des Insoumis du Palais Bourbon.

Sur le terrain, la contestation génère un spectacle inédit dans les parages, ce que relate Le Monde, dans un article du 3 février 2018 : un défilé sylvo-cynégético-cano-équido-cyclo-pédestre. Un cerf devance des chiens, qui devancent des chevaux (montés par les chasseurs), qui devancent des vélos, qui devancent des poulets la prévôté.

... le chasseur revient au galop !

Veut-on écarter la chasse de la société ? C’est la chasse qui se rebiffe ! Comme à Compiègne, ça chambarde à Chambord. Et la Fédération nationale de la chasse pourrait remporter le dernier mot.

Comment ? En claironnant de son communiqué, se félicitant de l’intérêt retrouvé du président de la République (perdu depuis 40 ans – tiens, cela nous rappelle quelque chose !) et en n’hésitant pas à spoiler* le nom du futur président du conseil d’orientation de Chambord, 15 jours avant sa nomination officielle dans le Journal non moins officiel, j’ai nommé François Patriat, sénateur proche d’Emmanuel Macron. Augustin de Romanet, devenant le président du Conseil d’administration. Ainsi qu’on se le dit dans les arcanes de l'administration, « avec le duo Patriat-Romanet à la tête de Chambord, la chasse n’a pas tiré son dernier coup ».

La Grive des bois, plume légère et satirique de la forêt et du bois

* Spoiler : (terme emprunté à l’anglais) gâcher un suspens en dévoilant la fin d’une histoire, explique le dico2rue.


Dans la rubrique Grivoiseries,
volettent des plumes vives et légères, parfois facétieuses, humoristiques ou satiriques. Depuis leur branche jouquées, elles observent et commentent les hauts et les bas de la forêt et au-delà de sa lisière.