La régénération naturelle dans les forêts suscite des questions parmi les propriétaires. Comment la mener à bien ? Quels sont les avantages, les risques d’échecs ? Dans son numéro d’avril 2020, Forêts de France répond à ces questions en insistant sur le contexte climatique qui impose de nouvelles techniques et le remplacement des essences en difficulté.
Un forestier ne part pas en forêt sans un sécateur pour s’occuper d’un semis naturel prometteur. C’est plus fort que lui : impossible d’ignorer ce don de la nature, surtout quand il est passé par les efforts de la plantation ! Mais quel avenir pour cette régénération naturelle ? Avant d’envisager de renouveler naturellement un peuplement – avec un soutien technique –, il faut d’abord se poser les bonnes questions : mes arbres semenciers sont-ils de bonne qualité ? La pression du gibier ne voue-t-elle pas mes efforts à l’échec ? Cette génération spontanée supportera-t-elle les conditions climatiques dans 50 ans ? Les facteurs limitants seront à confronter aux avantages de ce mode de renouvellement : économie de coûts, protection des sols, sélection naturelle, etc.
« La présence de régénération feuillue ou résineuse ne signifie pas forcément qu’elle est en station. Avant toute chose, il faut absolument réaliser un diagnostic », prévient Éric Sevrin, le directeur de l’Institut pour le développement forestier (IDF-CNPF). Si ce diagnostic donne un feu vert, il faudra alors procéder avec précaution. « À une époque, pour le chêne, on ouvrait vite le couvert et cela marchait bien. Mais aujourd’hui, avec les canicules, les semis doivent lever en demi-lumière plutôt qu’en pleine lumière, sinon ils courent le risque de se dessécher. » Dans ce nouveau contexte, les forestiers remettent au goût du jour des méthodes utilisées dans le passé. La régénération par bande, par exemple, qui consiste à alterner bandes de semis et peuplement d’origine tous les 25 mètres afin de maintenir de l’ombrage.
Inventer de nouvelles sylvicultures
À la demande du ministère français de l’Agriculture, l’IDF élabore avec d’autres établissements la feuille de route qui doit conduire à l’adaptation des forêts au changement climatique.
« En matière de renouvellement et gestion des peuplements, nous mettons clairement en évidence deux situations : une gestion de bon père de famille qui se justifie lorsque l’essence est bien en place et qu’il n’y a pas de souci pour la renouveler naturellement ; et une gestion proactive qui consiste à changer d’essence ou à enrichir par plantation pour diversifier les essences dans le peuplement »,
Le mélange, améliorant la biodiversité et la résilience face aux aléas et maladies, sera vraisemblablement une des clés du futur. Une régénération variée devra être préservée. Les choses se compliquent lorsque feuillus et résineux viennent en même temps et des sylvicultures restent à inventer. Éric Sevrin souligne :
« Nous avons jusqu’à présent plutôt travaillé sur les peuplements homogènes et purs et les nouveaux essais prendront du temps. Nous pouvons d’ores et déjà nous appuyer sur des expériences réussies : la futaie jardinée du Haut-Jura qui mélange hêtre, sapin et épicéa, ou les essais réalisés par l’AFI* sur les mélanges d’essences. »
Deux réseaux d’observation, mis en place après les tempêtes de 1999, vont aussi apporter de précieux enseignements sur les dynamiques de végétation. L’IDF suit depuis 20 ans des placettes qui ont été renouvelées par plantation ou régénération naturelle ; AgroParisTech s’est de son côté intéressé à des îlots laissés en libre évolution. Les résultats sont attendus dans les prochains mois.
Pascal Charoy (Forêts de France)
* Association futaie irrégulière.