L’Île-de-France abrite sur 12 000 km² douze millions d’habitants. La forêt n’est jamais très loin de la ville. Convoitée par les promeneurs et les sportifs, la forêt privée francilienne parvient néanmoins à préserver sa fonction économique grâce à des propriétaires passionnés. Retrouvez-les dans le dossier d’octobre 2021 de la revue Forêts de France.
Les huit départements franciliens concentrent 18 % de la population française. Quand on dispose en moyenne d’un espace vital de 1 000 m², on comprend que la forêt soit d’abord appréciée comme lieu de détente et de promenade ! Et c’est le cas en Île-de-France où la forêt couvre 263 000 hectares, soit près d’un quart du territoire régional. Les forêts domaniales, qui concentrent chaque année 80 millions de visites, restent les plus connues du grand public. On ne peut toutefois réduire la forêt francilienne aux célèbres futaies que sont Fontainebleau, Rambouillet ou Montmorency.
Plus discrète et sans doute plus secrète, la forêt privée domine en effet largement le paysage local. Elle couvre près de 180 000 hectares et souffre d’un morcellement endémique. Ces biens privés sont détenus par 148 000 propriétaires ; cela signifie que la grande majorité possède moins d’un hectare de bois. Il est évidemment difficile de gérer ces mouchoirs de poche. La gestion durable est concentrée sur les 5 000 propriétés de plus de 4 hectares qui ont résisté à l’émiettement des successions depuis la fin du Moyen-Âge. Souvent issus de grands domaines ecclésiastiques ou de la noblesse, ces forêts ont traversé la révolution grâce à leur intérêt économique et social. Certes divisées au siècle dernier, elles constituent aujourd’hui le cœur de la grande propriété forestière.
Le chêne dominant
Avec 92 % de peuplements feuillus, l’Île-de-France est la seconde région feuillue de France, derrière les Hauts-de-France, et c’est le chêne qui y règne en maître. Sur un volume total de bois sur pied de 44 millions de m3, la forêt privée francilienne offre le gîte et le couvert à 11 millions de m3 de chêne sessile et 7,4 millions de m3 de chêne pédonculé. Quand les sols sont riches, le climat tempéré offre des conditions idéales à la production de bois de qualité.
De plus, 5,2 millions de m3 de châtaignier et près de 11 millions de m3 d’autres feuillus complètent ce tableau. La diversité est la règle, avec une quarantaine d’espèces présentes sur le territoire. Réduits à la portion congrue, les résineux représentent 3 millions de m3 sur pied.
La forêt francilienne est certes la plus petite du territoire national, mais elle est parmi les plus riches en bois. La forêt privée abrite un volume à l’hectare de 172 m3, ce qui est supérieur à la moyenne nationale (153 m3 par hectare). Le stock sur pied en Île-de-France s’accroît naturellement de 1,4 million de m3 chaque année. Ce chiffre mérite d’être comparé au volume annuel de bois récolté, soit 700 000 m3 bon an mal an. L’exploitation forestière est donc loin de mettre en péril le poumon vert du Grand Paris.
Une scierie francilienne qui se modernise
En 2016, l’Île-de-France a commercialisé 307 000 m3 de bois, dont 91 000 m3 de grumes, 51 000 m3 de bois d’industrie et 166 000 m3 de bois énergie. À l’exception du bois énergie dont une part est consommée sur place, la majeure partie des volumes de bois d’œuvre et de bois d’industrie quittent l’Île-de-France après récolte. C’est tout le paradoxe d’une région qui présente un fort potentiel forestier et une industrie de transformation quasi inexistante. La région ne compte qu’une scierie de taille significative, en Seine-et-Marne, l’entreprise Roëser qui prévoit de moderniser ses installations pour transformer 12 000 m3 de chêne en 2022. À noter que la Seine-et-Marne concentre près de la moitié de la récolte d’Île-de-France.
Il reste donc du travail pour récolter plus de bois et utiliser localement les essences feuillues abondantes dans la région. De ce point de vue, l’interprofession Fibois Île-de-France considère la proximité de la ville comme une chance, car c’est là que le bois construction a toutes les chances de s’imposer.
Pascal Charoy (Forêts de France)