Le frêne est un arbre à l’existence millénaire, européen par excellence, emblématique des forêts feuillues, en particulier de la moitié nord de la France. L’arrivée de la chalarose du frêne dans les années 2000 remet en question sa présence dans le paysage français et la stratégie de gestion à l’échelle nationale.
Les frênes (ou le genre botanique fraxinus) constituent une large famille d’une cinquantaine d’espèces. En France métropolitaine, trois sont autochtones. Le frêne commun (fraxinus excelsior), également appelé frêne blanc ou frêne élevé, peuple l’ensemble du territoire. Le frêne à feuilles étroites (fraxinus angustifolia), également dénommé frêne oxyphylle ou frêne du Midi, se retrouve plutôt dans la moitié sud du pays. Enfin, l’aire naturelle du frêne à fleurs (fraxinus ornus) ou frêne à manne se concentre sur le pourtour est de la Méditerranée, mais il a été introduit avec succès dans de nombreux autres territoires.
Le frêne possède une grande tolérance écologique et s’épanouit dans divers climats de plaine ou de faible altitude, et supporte bien les grands froids (jusque -15 °C), bien qu’il craigne les gelées précoces au printemps. Le frêne est souvent présent, voire envahissant, dans les peuplements spontanés, y compris sur des stations forestières peu adaptées. Il régresse ensuite au profit des essences plus adaptées, privilégiant les stations très alimentées en eau et avec des sols riches.
Une ressource abondante mais disséminée
Les frênaies pures représentent seulement 1 % de la surface forestière française, mais le frêne est la sixième essence feuillue la plus représentée dans les massifs. En moyenne, 33 % de la superficie forestière française contiennent du frêne. S’il est quasiment absent des peuplements de la façade atlantique et du bassin méditerranéen, le frêne est présent dans plus de 40 % des peuplements des régions Hauts-de-France, Grand Est, Auvergne-Rhône-Alpes et Pyrénées. L’omniprésence du frêne dans les paysages de ces régions se reflète souvent dans la toponymie ; en atteste la fréquence des noms de lieux comme Fresnes, Fresnoy, Fraisse, ou Frassinet.
La dissémination du frêne rend la caractérisation de cette ressource complexe. En 2016, le volume de bois sur pied de frêne était estimé à 95 millions de m³, stockés pour 83 % en forêt privée, et dont 15 % seraient du bois d’œuvre potentiel facilement exploitable.
Une stratégie de valorisation à mettre en place
Depuis le début des années 1990, le frêne connaît les difficultés rencontrées par l’ensemble des feuillus précieux en France, et fait face à un manque d’unités de transformation proposant de valoriser un travail sylvicole de longue haleine.
Sur le plan sanitaire, l’arrivée de la chalarose signifie un effondrement probable des populations de frêne. Si le risque d’extinction n’existe pas à l’échelle nationale, la fragilisation programmée de la ressource doit mettre en mouvement une adaptation locale de la gestion de cette essence, ainsi qu’une adaptation des marchés.
En effet, la production européenne de frênes se destine pour 90 % des volumes vers l’export. Depuis 2014, la Chine impose un embargo sur les bois ronds de frêne, pour éviter l’introduction du parasite dans ses massifs. Si des scieries françaises valorisent le frêne, les débouchés de cette essence reposent aujourd’hui, en majorité, sur la demande des transformateurs et fabricants de mobiliers vietnamiens. Pour sortir les producteurs français de frêne de cette dépendance à l’export, il apparaît impératif de soutenir et de développer les marchés locaux, de manière à donner toutes ses chances aux frênes sur le long terme.
Le dossier du mois d’avril 2024 de Forêts de France propose un état des lieux des connaissances sur la chalarose du frêne, mis en perspective avec des pistes pour valoriser une ressource qui n’a pas encore dit son dernier mot.
Blandine Even (Forêts de France)