Dans quelle mesure la sylviculture peut-elle intégrer le futur débouché de la chimie du bois afin de favoriser la présence d’extractibles dans nos forêts ? Telle est la question que se sont posée les chercheurs du programme ExtraForEst. Il ne s’agit pas de balayer les autres usages du bois ou de déstabiliser les filières existantes, mais bien d’étudier comment adapter la sylviculture actuelle à de nouveaux débouchés.
Pour répondre à cette question, ExtraForEst travaille à modéliser numériquement un arbre afin d’obtenir la quantité d’extractibles* qu’il contient, en lien avec les caractéristiques de l’arbre (nombre de nœuds, branches, etc.). Le pari est le suivant : si l’on peut modéliser la croissance et les propriétés technologiques d’un arbre, on peut également le faire au niveau d’une parcelle selon la sylviculture choisie.
La sylviculture influence les quantités d’extractibles présentes dans les arbres. D’autres facteurs peuvent jouer un rôle et doivent encore être étudiés : la provenance des graines, l’altitude, les conditions pédoclimatiques, etc. Ce travail vise à enrichir les données sur le lien entre la croissance des arbres et les débouchés qu’un sylviculteur pourrait être en mesure d’en espérer. Un outil prenant la forme d’un guide pourrait découler de ces travaux, afin d’orienter les choix de sylviculture en fonction du lieu géographique, du type d’essence et des caractéristiques du sol.
ExtraForEst est un programme de recherche qui a pour ambition d’accompagner l’émergence d’une filière chimie du bois. Découvrez ci-contre le regard de Bruno Schjöth, forestier et membre du comité consultatif d’ExtraForEst, et celui de Christine Deleuze, chargée de R&D modélisation au département recherche, développement et innovation de l’Office national des forêts (ONF).
Francis Colin, coordinateur ExtraForEst
* Composés chimiques du bois, à l’origine des propriétés spécifiques d’un bois : couleur, odeur, durabilité biologique, pérennité de la couleur…
BRUNO SCHJÖTH, forestier et membre du comité consultatif d’ExtraForEst
« Une meilleure valorisation de la production forestière »
« En vendant son bois, le forestier fait vivre sa forêt. Son objectif est le bois d’œuvre : des fûts bien droits et le moins de nœuds possible. Nous n’avons pas que de beaux arbres, souvent par manque de soins apportés à la forêt. L’ouverture d’un nouveau débouché serait intéressante pour les exploitants obligés de brader des billes qui ne rentrent pas dans la catégorie bois d’œuvre. La chimie du bois nous laisse espérer une meilleure valorisation d’une partie de la production forestière.
Nous sommes attentifs aux travaux de recherches qui élaborent des liens entre sylviculture, façonnage d’un arbre et débouché final. Dans ce contexte et pour faire avancer la recherche, nous sommes disposés à faire des tests, gérer différemment certaines parcelles, voir comment les choses évoluent. En revanche, la temporalité de la forêt est lente. Il faudra attendre plusieurs dizaines d’années avant qu’un itinéraire sylvicole orienté “extractibles” puisse donner du fruit. D’ici là, il faudra faire avec les arbres qui sont actuellement à maturité. »
CHRISTINE DELEUZE, chargée de R&D modélisation, département recherche, développement et innovation de l’ONF
Des débouchés complémentaires au bois d’œuvre
« Une forêt répond à une multiplicité d’usages : accueil du public, bois d’œuvre, bois énergie, biodiversité, qualité de l’eau, atténuation du changement climatique, etc. L’approche d’ExtraForEst est intéressante, si elle permet de réfléchir à des itinéraires sylvicoles prenant en compte ces diversités d’usages. On pourrait ainsi imaginer des arbres qui permettent de profiter d’une bille très nette de nœuds pour faire du bois d’œuvre et d’une zone de nœuds au niveau de la couronne pour extraire des molécules à valeur ajoutée. Le reste de l’arbre pouvant ensuite être utilisé pour faire du bois énergie. C’est à suivre…
À mon avis, il faut simplement que la hiérarchie des usages soit respectée : le bois d’œuvre reste central, mais des débouchés complémentaires peuvent et doivent s’agencer autour. À l’ONF, on encourage et on suit avec intérêt les projets, comme ExtraForEst, qui cherchent à mieux valoriser nos bois avec des débouchés complémentaires, en allant ainsi vers une économie décarbonée utilisant plus ce magnifique matériau bois, renouvelable et polyvalent. »