GIEE Agroforesterie en Normandie: des arbres pour quoi faire?

Agroforesterie en Normandie
Le GIEE Agroforesterie en Normandie vient de se lancer, mi-avril 2016 (crédit photo: Chambre d'agriculture de l'Eure)
GIEE Agroforesterie en Normandie: des arbres pour quoi faire?

Qu’apporte l’agroforesterie sur le plan économique, ou en termes de biodiversité et de qualité des sols… Autant de sujets sur lesquels le nouveau GIEE « Agroforesterie en Normandie » doit apporter des réponses techniques.

 

Qu’est-ce qui peut pousser un agriculteur à inviter les arbres et les haies dans et autour de ses parcelles ? En quoi l’agroforesterie est-elle intéressante pour préserver la biodiversité, produire du bois ou capter du CO2 ? Peut-elle convaincre un agriculteur de franchir le cap, là où les parcelles nécessitent d’agir contre le ruissellement ou l’érosion ?

Apporter des réponses techniques à ces questions, c’est la raison première d’« Agroforesterie Normandie ». Ce nouveau GIEE, ou groupement d’intérêt économique et environnemental, rassemble dix exploitations agricoles d’Eure et de Seine-Maritime. Le lancement du GIEE s’est formalisé par la signature, mi-avril 2016, d’un partenariat entre l’Association pour une dynamique agroforestière en Normandie (ADAN), qui réunit des agriculteurs, et la chambre d’agriculture de l’Eure, chargée d’animer le GIEE. Après avoir reçu son agrément fin janvier 2016, le GIEE porte une triple approche, économique, sociale, environnementale.

Apiculture, bois d'œuvre et bois-énergie

Cependant, estime Yann Pivain, animateur du GIEE à la chambre d’agriculture de l’Eure :

« Pour pérenniser les haies en agriculture, il faut leur donner un rôle économique. »

Les objectifs de chaque agriculteur orientent le choix des essences. Yann Pivain illustre :

« L’un des axes consiste à miser sur l’apiculture, avec des essences mellifères, comme le tilleul. Dans ce cas, l’intérêt est moindre pour le bois d’œuvre, puisque l’optique est de nourrir les abeilles. »

Mais dans l’ensemble, les alignements intraparcellaires, c’est-à-dire au sein des parcelles, visent plutôt les essences à forte valeur ajoutée, pour le bois d’œuvre. Un arbre s’y dresse tous les 10 mètres environ. Yann Pivain cite le cormier, le noyer ou le pommier forestier. Et aussi le robinier faux acacia, une espèce de la famille des légumineuses, douée « pour fixer l’azote atmosphérique et le restituer au sol », souligne Yann Pivain.

Quant aux haies périparcellaires, autour des champs, elles se destinent surtout au bois-énergie, ce qui amène à favoriser des essences à croissance rapide. Plus denses que l’intraparcellaire, les haies comptent un arbre tous les mètres. Dans ce territoire de Normandie, il s’agit de charmes, de chênes, de noisetiers ou encore de cornouillers.

« Le bois bûche était présent historiquement. Depuis 2008, nous développons le bois déchiqueté qui permet de valoriser la totalité du bois, y compris les fins bouts »,

indique Yann Pivain.

Les plans de gestion bocagers lorgnent sur PEFC

Le GIEE normand espère s’appuyer sur une future labellisation PEFC de ses plans de gestion bocagers. L’application de cette certification à l’agroforesterie fait l’objet de réflexions en cours, au niveau des chambres d’agriculture. Car lorsqu’il faut couper les arbres pour récolter le bois, les agriculteurs se trouvent confrontés à l’incompréhension de riverains ou d’associations. Les agriculteurs souhaitent ainsi montrer que recéper, donc couper au ras du sol, n’a pas pour objet de faire disparaître les arbres. Pour eux, l’idée est de garantir la régénération des plantations.

« Agroforesterie en Normandie » en chiffres
58 ha plantés en agroforesterie intraparcellaire depuis 2008 (parcelles cultivées comprenant des alignements d’arbres en leur sein).
3,5 km de haies périparcellaires nouvelles, plantées depuis 2008 (arbres plantés autour des parcelles).
25 à 30 km de haies gérées (en âge d’être exploitées).

Biodiversité, sols, action anti-érosion

Le GIEE va suivre de près ces pratiques. Il compte aussi étudier les sols et la biodiversité, en s’appuyant notamment sur un protocole mis au point par le Muséum d’histoire naturelle.

En matière d’érosion, « c’est en amont, là où il n’y a pas d’érosion, que les haies peuvent freiner l’eau de ruissellement avant qu’elle ne prenne de la vitesse », relève l’animateur. Pour favoriser de telles plantations, le GIEE peut apporter des références, évaluer ce que coûte et ce que rapporte une démarche agroforestière.

Des données dans 1 à 6 ans

Agréé pour 15 ans, soit « le pas de temps d’un arbre » relève Yann Pivain, le GIEE « Agroforesterie Normandie » rend des comptes tous les 3 ans à l’administration. L’agrément engage le collectif d’agriculteurs à mettre en œuvre leur projet ; il aide à structurer la réflexion sur des pratiques innovantes, et favorise l’attribution d’aides publiques.

Les membres du GIEE ont initié leur démarche agroforestière en 2008. Dans la région, en dehors du GIEE, le territoire de l’ex-Haute-Normandie comte 70 ha plantés en agroforesterie intraparcellaire. Dans l’Eure, les haies nouvellement créées s’étalent sur plus de 40 km.

« Agroforesterie en Normandie » devrait livrer des résultats dès sa première année sur les données économiques (coûts de mise en place, d’entretien…). Et d’ici à 5 ou 6 ans sur les questions de biodiversité.

Chrystelle Carroy/Forestopic

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