Une Convention citoyenne pour la forêt et le bois a abouti à 26 propositions destinées à l’Île-de-France. Une première dans le pays, selon les tenants de l’initiative.
Prenant exemple sur la Convention citoyenne pour le climat, qui a livré des propositions en 2020, l’interprofession régionale Fibois Île-de-France a organisé une Convention citoyenne pour la forêt et le bois dans la région capitale. Elle y voit « une première en France ».
La concertation étant inscrite dans sa feuille de route, Fibois Île-de-France a lancé les « états généraux de la forêt et du bois en Île-de-France », dont la première édition, en 2020, a jeté les bases du Pacte bois-biosourcés, focalisé sur le secteur de la construction. La troisième édition des états généraux prend la forme d’une Convention citoyenne. L’exercice a abouti à la production d’un « avis citoyen » sur les enjeux de la forêt et du bois, présenté lors d’un évènement de restitution, le 21 mars 2023, sur le campus de Maisons-Alfort qui accueille le nouveau siège social de l’Office national des forêts (ONF).
En association avec diverses parties prenantes de la forêt et du bois, l’interprofession régionale s’est fait épauler par Res publica, cabinet de conseil en concertation, et par Harris Interactive, qui a recruté 20 citoyens, selon des critères socio-démographiques jugés représentatifs de l’Île-de-France. Le panel a planché sur la question « Comment la forêt et le bois en Île-de-France peuvent-ils contribuer à répondre aux besoins actuels et futurs des franciliens ? ».
Trois week-ends pour un panel de 20 citoyens
La Convention citoyenne francilienne se compose de 20 membres, dont 11 femmes et neuf hommes, issus de tous les départements de la région. Âgés de 18 à 65 ans ou plus, ils sont 13 à déclarer se rendre régulièrement en forêt, contrairement aux sept autres. La moitié du groupe relève des catégories professionnelles « professions intermédiaires » ou « employés » ; l’autre moitié comprend des « artisans, commerçants, chefs d’entreprise », un ouvrier, des retraités.
Le groupe s’est réuni durant trois week-ends, fin 2022. L’occasion d’auditionner des parties prenantes*, scientifiques, représentants des pouvoirs publics, professionnels, associations environnementales, de visiter la forêt de Ferrières, une chaufferie bois exploitée par Sébio (Dalkia), la scierie Roëser, et de débattre et de rédiger un « avis citoyen ».
Des propositions et un suivi
L’avis citoyen contient 26 propositions rassemblées en trois axes.
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La forêt, un espace et une biodiversité à préserver
Parmi les propositions, il s’agit de :
– mettre la priorité sur les espaces forestiers, plutôt que sur l’artificialisation des sols ; la forêt recouvre 23 % du territoire régional ;
– développer les continuités écologiques grâce aux trames vertes ;
– favoriser une diversité des essences d’arbres, en phase avec les changements climatiques et environnementaux ;
– prendre des mesures pour la biodiversité (réserves biologiques intégrales, îlots de sénescence, maintien du bois mort au sol, création d’espaces protégés dédiés à la mémoire des « vieux arbres ») ;
– faire intervenir un organisme public (autre qu’Île-de-France Nature, ex-AEV) afin d’encadrer les jours et horaires de chasse, organiser un référendum régional sur la chasse.
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Utilisation équilibrée de la ressource forestière
Le deuxième volet comporte des préconisations sur la gestion forestière et les usages du bois, notamment :
– interdire les coupes rases (hors crises sanitaires ou incendies) ;
– maintenir la récolte de bois à moins de 60 % de l’accroissement naturel des forêts ; ce ratio se situe à 62 %, selon le programme régional forêt-bois (PRFB) qui mise sur une augmentation des coupes, en particulier dans les forêts privées, tout en limitant les coupes rases ;
– accroître les moyens humains dédiés à la gestion durable des forêts ;
– créer un pôle innovant de transformation du bois en Île-de-France, pour mieux valoriser les feuillus du territoire et réduire l’empreinte carbone des grumes, plutôt que de les exporter ;
– soutenir le bois construction, créer un label Bois d’Île-de-France, alors que la filière construction bois francilienne fournit moins de 0,2 % du marché régional (source : PRFB) ;
– mettre en place un « Festi’Bois », festival des métiers du bois, à l’image de ce qui se fait en Nouvelle-Aquitaine ;
– mieux contrôler le bois énergie (priorité aux sous-produits de la transformation du bois et au bois déchet, limitation des émissions atmosphériques dans les installations industrielles ou domestiques).
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Sensibilisation, gouvernance forestière
Le troisième axe se concentre sur la sensibilisation et l’information du public, scolaire ou adulte, et sur sa participation à la destinée de la filière forêt-bois. Il invite à créer un collège de citoyens au sein de la commission régionale forêt-bois (CRFB), afin de renforcer la représentation de la société civile dans cette instance.
Enfin, le cahier de propositions inscrit au chapitre « gouvernance des forêts » une suggestion consistant à instaurer une gestion locative pour les propriétaires désintéressés de leur forêt ; sur la base de contrats de 20 ans, le centre régional de la propriété forestière (CRPF) percevrait alors les revenus de l’exploitation de la forêt, le propriétaire en recevrait aussi une partie.
Que vont devenir ces demandes sociétales ? « Avec la préfecture, la région, la métropole, l’ONF, le CRPF, nous allons mettre le cahier d’engagement en face des actions en cours et, si des propositions ne sont pas retenues, nous expliquerons pourquoi », répond Olivia Jarny, déléguée générale de Fibois Île-de-France. L’organisation interprofessionnelle entend pérenniser ce dialogue forêt-société et prévoit de créer un collège de citoyens.
C. C./Forestopic
* Personnes auditionnées par le panel de citoyens :
– Claude Bastian, Dalkia ;
– Christophe Bouget, Inrae ;
– Stéphane Cochet, architecte indépendant ;
– François Consigny, Egis ;
– Andrée Corvol-Dessert, historienne, CNRS ;
– Vianney Delourme, Enlarge your Paris ;
– Jean-Claude Denard, France Nature Environnement (FNE) ;
– Anne Dieleman, Nature & Société ;
– Sylvain Ducroux, Office national des forêts (ONF) Seine-Nord ;
– Loïc Eon, Île-de-France Nature ;
– Rémi Foucher, Fransylva Île-de-France ;
– Anne Galibert, conseil régional Île-de-France ;
– Paul-Emmanuel Huet, PEFC France ;
– Théo Klein, agence régionale énergie-climat (AREC) ;
– Armand de Laubrière, scierie Roëser ;
– Margotte Lamouroux, architecte, Calq ;
– Patrick Laurent, ONF ;
– Gaël Legros, Centre régional de la propriété forestière (CRPF) ;
– Xavier Morin, CNRS ;
– Garance Petit, Ademe Île-de- France ;
– Catherine Sabbah, Idheal ;
– François-Xavier Saintonge, département Santé des Forêts (ministère de l’Agriculture) ;
– Pierre-Emmanuel Savatte, direction régionale interdépartementale de l’agriculture et de la forêt (Driaaf) ;
– Mélanie Siebert, EpaMarne – EpaFrance ;
– Laura Verin, fédération départementale des chasseurs de Seine-et-Marne ;
– Eric Walmé, Inoé ;
– Valérie Webber-Haddad, Syndicat des énergies renouvelables (SER).