Paulownias hybrides de 3ans (crédit photo: CNPF)
Paulownias hybrides de 3ans (crédit photo: CNPF)

Le paulownia: arbre miracle ou mirage?

 

Le paulownia suscite actuellement de nombreuses interrogations. Originaire d’Asie, cette essence s’est d’abord répandue dans les parcs et jardins, mais ses promoteurs entendent désormais développer sa présence sur territoire français pour produire du bois d’œuvre. Pour mieux connaître cette essence et en particulier sa sylviculture et les risques qu’elle peut potentiellement représenter, deux ingénieurs de l’Institut pour le développement forestier ont réalisé une enquête bibliographique approfondie. Le dossier du numéro 13 de Forêt & Innovation est une synthèse de leur travail.

 

Originaires d’Asie et le plus souvent de Chine, les premiers paulownias sont arrivés en Europe en 1834. D’abord utilisés comme plantes ornementales, ils se sont dans un premier temps répandus dans les parcs et jardins où leur spectaculaire floraison printanière leur a permis de se faire apprécier. Leur bois est employé depuis longtemps en Asie. Il a pour principales caractéristiques d’être léger et facile à travailler, mais peu adapté aux usages mécaniquement contraignants. Son utilisation sur le territoire français est actuellement confidentielle, pour ne pas dire inexistante, et les surfaces dévolues à cette essence le sont tout autant. Mais, le contexte évolue.

Arbre magique ?

Depuis quelques années, plusieurs entreprises se sont implantées en France, en vue de développer l’utilisation du paulownia pour produire du bois. Leur activité repose sur la vente de plants et leur argumentaire est basé sur le fort potentiel de croissance de cette essence. Le paulownia permettrait d’escompter un rapide retour sur investissement, avec un cycle de production de moins de 10 ans. Ces entreprises mettent en avant la capacité de cet arbre à atteindre une forte productivité, mais se basent sur des résultats obtenus en dehors de l’Hexagone. En effet, il n’existe pas, à ce jour, de publications scientifiques qui rendent compte des niveaux de productivité pouvant être obtenus pour des plantations de paulownia sur le sol français.

D’après les données collectées par l’Institut pour le développement forestier (CNPF*), le paulownia est certes une Formule 1 mais, tout comme elle, il a besoin de beaucoup de carburant et il ne roule pas au diesel ! Pour extérioriser tout son potentiel de production, il nécessite de bonnes terres, mais aussi un apport complémentaire d’eau et d’engrais, auxquels il convient d’ajouter des interventions fréquentes et régulières (taille de formation, élagage). Si les plants sont conduits « à la dure » sur des sols plus quelconques, en cohabitant avec d’autres espèces ligneuses, à l’image de ce qui est classiquement pratiqué pour la plupart des feuillus et résineux plantés dans les forêts françaises, les résultats ne seront pas à la hauteur de ceux obtenus avec des arbres à proprement parler « cultivés ». Comme toute espèce végétale, le paulownia n’est pas à l’abri de problèmes sanitaires et son abondante fructification le rend potentiellement invasif, même si a priori cette problématique ne concerne pas les variétés hybrides.

Ou désenchantement ?

Le fait d’être gourmand en eau suscite plusieurs interrogations. Compte tenu des évolutions en cours et à venir du climat, l’introduction de nouvelles essences susceptibles de faire face aux sécheresses et aux canicules est un levier d’action régulièrement mis en avant. Mais sur ce volet, les paulownias sont de piètres candidats. Leur croissance est pénalisée par le manque ou l’excès d’eau et ils sont sensibles aux gelées tardives et au vent, même modéré. La nécessité de recourir à l’irrigation, au moins les premières années, interroge également sur l’acceptation sociétale de cette essence. Bien des Français sont déjà particulièrement critiques sur l’irrigation des céréales. Qu’en sera-t-il s’ils apprennent qu’il est nécessaire de prélever de l’eau pour produire du bois, alors qu’il existe d’autres essences pouvant tout à fait remplir cette fonction sans avoir besoin d’être irriguées ! De plus, est-il bien cohérent d’utiliser des terres agricoles à bon potentiel pour les boiser en plein et produire une matière première que l’on peut produire ailleurs, en particulier sur des territoires où la forêt est la seule façon de valoriser les sols ? Une autre inconnue est qu’en France, il n’existe pas – du moins pour l’instant – de réel marché pour le bois de cette essence. Il est par conséquent impossible d’annoncer des prix auxquels ces arbres pourraient être vendus.

Au final, compte tenu de ses exigences (irrigation, engrais, phytosanitaires…), la « culture du paulownia » semble devoir être analysée, dans un premier temps, comme une production plus « agricole » que « forestière ». D’ailleurs, c’est davantage aux agriculteurs qu’aux forestiers que s’adressent les entreprises commercialisant des plants. Tout cela incite à la prudence… Le numéro 13 de Forêt & Innovation apporte de nombreuses informations pour prendre du recul sur cette essence et surtout permettre de mieux la connaître.

Francois d’Alteroche (Forêt & Innovation)

* CNPF : Centre national de la propriété forestière.



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