Le pin d’Alep entre dans la norme et renoue avec la construction bois

Des échantillons de pin d’Alep prélevés en forêt, puis testés en laboratoire, ont permis de confirmer que cet arbre produit un bois assez résistant pour la construction
Des échantillons de pin d’Alep prélevés en forêt, puis testés en laboratoire, ont permis de confirmer que cet arbre produit un bois assez résistant pour la construction (crédit photo: Communes forestières)
Le pin d’Alep entre dans la norme et renoue avec la construction bois

Désormais intégré dans la norme sur le bois dans la construction, le pin d’Alep trouve un débouché potentiel pour son bois d’œuvre en structure des bâtiments.

 

Le bois d’œuvre de pin d’Alep trouve une nouvelle vocation, avec son intégration dans la norme sur les règles d’utilisation du bois dans la construction. Sa prise en compte dans la NF B52-001*, actualisée le 14 avril 2018, lui ouvre un potentiel pour une mise en œuvre dans la structure des bâtiments, qu’il s’agisse de charpente ou d’ossature bois.

La reconnaissance normative du pin d’Alep est le fruit de travaux initiés en 2014, précise France Forêt PACA, structure qui regroupe les communes forestières de Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA), l’Office national des forêts (ONF), les propriétaires forestiers privés représentés par Fransylva, le centre régional de la propriété forestière (CRPF) de PACA et la coopérative Provence Forêt. L’initiative a reçu un soutien financier de France Bois Forêt (FBF), de l’État et de collectivités locales.

Plus de 800 échantillons soumis à des tests mécaniques

Ce furent 3 années de recherches, ponctuées par la consultation de 70 entreprises et le prélèvement d’échantillons dans 18 parcelles forestières de l’aire de peuplement du pin d’Alep, soit en PACA, Occitanie et Drôme (en Auvergne-Rhône-Alpes).

Répartition du pin d’Alep en France (cartographies: IGN)
Répartition du pin d’Alep en France (cartographie : IGN)

Une fois sciés, plus de 800 échantillons ont suivi un classement visuel et une batterie de tests menés par le laboratoire Céribois, suivant une procédure homologuée.

Résultat, la résistance mécanique du pin d’Alep, également appelé pin blanc, est confirmée pour son usage en structure bois. Cette essence typique des forêts méditerranéennes retrouve ainsi une voie de valorisation digne de son rang, selon France Forêt PACA :

« Utilisé durant 3 000 ans pour la construction navale, les charpentes d’édifices religieux et les habitations, ce bois a été oublié au XXe siècle. Il n'était guère plus désormais utilisé que pour l’énergie ou la trituration (pâte à papier). »

Normalisation et garantie décennale

La normalisation est synonyme de garantie décennale, relève Isabelle Desmartin, directrice adjointe de l’union régionale des communes forestières de PACA :

« Jusqu’à présent, les architectes et les maîtres d’œuvre ne trouvaient pas d’intérêt à utiliser le pin d’Alep, car ils ne pouvaient pas bénéficier d’assurance. »

Une diversité d’applications émerge en perspective, selon l’Observatoire régional de la forêt méditerranéenne (OFME) :

« La réalisation de bois collé est également possible : une charpente en lamellé collé (dans laquelle le pin d’Alep est en mélange avec du pin noir et du pin sylvestre) avait été réalisée lors de la construction du centre forestier de la Bastide des Jourdans. »

Aux côtés des tests mécaniques, les bureaux d’études Alcina et Gaujard Technologie ont réalisé une étude documentaire répertoriant l’existant en matière de pin d’Alep. Il en ressort que des menuisiers apprécient aussi son bois dense au grain serré, pour la réalisation d’éléments d’aménagement ou d’ameublement.

Des surcoûts possibles

Le sciage du pin d’Alep est toutefois susceptible de s’accompagner de surcoûts, d’après Sébastien Pelissier, gérant de la scierie La Forestière de Provence, basée à Carpentras (PACA) et spécialisée dans le cèdre. L’entreprise a déjà produit des panneaux de signalisation en bois de pin d’Alep. Sébastien Pelissier se dit prêt à dédier cette essence à la construction, en tenant compte de ses contraintes :

« Le pin d’Alep a tendance à produire des bois souvent tordus, pas très ronds, comportant de gros nœuds et une écorce épaisse. Cela s’accompagne de l’ordre de 50 % de pertes. Ce qui engendre un coût et rend difficile l’obtention de grandes longueurs, par exemple pour des poutres de 8 ou 9 mètres. »

Un marché à créer pour la construction

Le marché pour la construction reste à créer néanmoins. À présent, l’association des communes forestières entend sensibiliser les élus locaux quant aux possibilités du pin d’Alep dans des constructions en bois local.

D’autant qu’il s’agit d’un arbre originaire de l’ouest du bassin méditerranéen, souligne France Forêt PACA :

« Contrairement à ce que qu’on pourrait croire le pin d’Alep n’est pas originaire de Syrie mais est bien une essence indigène française ! »

La ressource est estimée à 14 millions de m3 de bois sur pied en PACA, pour une surface de forêts de production de 145 000 hectares et une production naturelle annuelle évaluée à 400 000 m3 dans cette région.

Chrystelle Carroy/Forestopic

* NF B52-001 : « Règles d’utilisation du bois dans la construction – Classement visuel pour l’emploi en structures des bois sciés résineux et feuillus construction ».

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