Face au constat que des bois destinés à un usage en matériau ne trouvent pas preneur, le projet de stratégie sur la biomasse prévoit qu’ils puissent s’orienter vers le bois-énergie.
Du bois utilisable en menuiserie, charpente ou ameublement pourrait se destiner à la filière bois-énergie. C’est l’une des orientations prévues dans le projet de stratégie nationale de mobilisation de la biomasse, qui a récemment été présenté aux parties prenantes. La « hiérarchisation » des usages laisserait ainsi la place à leur « articulation ».
Stéphanie Croguennec, chef du département de lutte contre l’effet de serre au ministère de l’Environnement, de l’Énergie et de la Mer, nous précise le concept d’articulation :
« Aujourd'hui, en forêt, on constate une demande insuffisante en certaines ressources qui pourraient pourtant être valorisées, notamment de par leur essence, en matériau. Par conséquent, dans le court terme, le temps de la montée en puissance des filières matériau, on peut développer des usages énergétiques à partir de ces ressources, tout en sachant qu’elles pourront être réorientées le moment voulu vers d’autres types de valorisation, notamment matériau, pour répondre à une demande plus importante. »
La hiérarchisation des usages du bois, un cap à atteindre
La stratégie sur la biomasse maintient la hiérarchisation des usages comme un cap à atteindre. La hiérarchisation fait écho à la notion d’utilisation du bois en cascade. Elle donne la primauté à la valorisation du bois comme matériau, notamment en raison de sa meilleure efficacité carbone.
Les revenus tirés du bois-énergie sont, de plus, sans commune mesure avec ceux obtenus pour le bois d’œuvre. Par exemple, la catégorie « bois d’industrie et bois-énergie feuillus » s’établit autour de 15 à 15,50 euros le m3, selon les indicateurs 2015 et 2016 du prix de vente des bois sur pied en forêt privée, publiés par France Bois Forêt. Quant à l’indice général, il oscille entre 55,35 et 56,31 euros le m3 entre 2014 et 2015, toutes essences confondues.
L’articulation, déjà à l’œuvre dans les faits
L’articulation des usages est déjà contenue dans la récente étude Ademe-IGN-FCBA sur les disponibilités forestières à l’horizon 2035. Le document évoque ainsi :
« Une valorisation temporaire en bois d’industrie ou énergie d’une partie du bois d’œuvre potentiel ayant les moins bonnes qualités, et qui n’est pas absorbé actuellement par le marché du bois d’œuvre. »
C’est l’une des conditions à remplir pour atteindre l’équilibre entre l’offre et la demande, selon certains des scénarios proposés. Les auteurs de l’étude constatent déjà, dans les faits, une « valorisation en bois d’industrie et énergie d’une part de l’offre potentielle de bois d’œuvre de faible qualité ».
Une transition de 10 ou 15 ans
Dans la stratégie biomasse, le caractère temporaire de l’articulation des usages pourrait durer 10 ou 15 ans, nous indique-t-on au ministère de l’Environnement. Le temps que se développent les usages du matériau bois, comme le prévoient les travaux du comité stratégique de la filière (CSF bois).
Si l’articulation recevait l’aval de cette feuille de route sur les bioénergies, cela impliquerait de se souvenir de changer de pratique le moment venu. C’est même l’un des enjeux du projet de programme national sur la forêt et le bois (PNFB). Le PNFB appelle à « renverser cet état de fait » où la moitié des feuillus récoltés va en bois industrie ou énergie, alors qu’elle pourrait connaître une meilleure valorisation économique.
Le gouvernement prévoit une finalisation de la stratégie biomasse d’ici à début 2017, afin qu’elle soit ensuite soumise à l’Autorité environnementale, puis à la consultation du public.
Chrystelle Carroy/Forestopic
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