Plantation de sapin de Grèce, provenance Mainalon, dans le Vaucluse. Une bonne adéquation de l’essence, de la provenance et de la station conduit à la réussite de la plantation, même en climat méditerranéen avec une forte sécheresse estivale (crédit photo: URFM Inrae, Avignon)
Plantation de sapin de Grèce, provenance Mainalon, dans le Vaucluse. Une bonne adéquation de l’essence, de la provenance et de la station conduit à la réussite de la plantation, même en climat méditerranéen avec une forte sécheresse estivale (crédit photo: URFM Inrae, Avignon)

Le plan de reboisement a besoin de temps pour l’acquisition du matériel végétal adapté

 

Le plan de relance prévoit 150 millions d’euros pour soutenir le reboisement en 2 ans en France. Avec quelles essences d’arbres et avec quels plants forestiers, les forêts vont-elles être renouvelées ? Des chercheurs de l’Inrae mettent en garde contre une action précipitée.

Dans son article « Le fonds pour le reboisement à l’heure des arbitrages avant son lancement », Forestopic insiste sur deux points qui nous semblent contradictoires et donc incompatibles avec la perspective de boisements adaptés et durables : aller vite (« le gouvernement affiche son intention d’aller vite ») et fournir des plants de qualité (« des essences résilientes qui pourront être utilisées dans 30, 40, 50 ans »).

Essences et matériels forestiers adaptés

Comme justement indiqué dans l’article, ce sont les zones forestières marquées par les dépérissements et les besoins de conversion qui vont bénéficier le plus des fonds pour le reboisement. Le choix d’essences et de matériels forestiers (semences, plants…) adaptés dans ces situations est crucial, sous peine d’échec en raison de futurs dépérissements qui compromettraient à la fois la production et le stockage du carbone sur le long terme.

Le succès d’une plantation d’arbres dépend en grande partie de l’adaptation et de l’adaptabilité des matériels forestiers utilisés, donc de leur origine et de leur diversité génétique. Les exemples d’échecs dus à des matériels inadaptés abondent, avec des conséquences économiques graves (pins maritimes gelés dans les Landes en 1984 et 1985, par exemple).

Une provenance précoce de noyer (Italie du sud) ayant subi un dégât de gel tardif au printemps. Inadéquation entre la provenance et la station, source d’échec des plantations (crédit photo: URFM Inrae, Avignon)
Une provenance précoce de noyer (Italie du sud) ayant subi un dégât de gel tardif au printemps. Inadéquation entre la provenance et la station forestière, source d’échec des plantations (crédit photo: URFM Inrae, Avignon)

La directive 1999/105/CE du Conseil de l’Union européenne sur la commercialisation du matériel forestier de reproduction, transcrite en droit français depuis 2003, rend possible et simplifie le suivi de l’origine du matériel végétal lors d’une opération de plantation forestière. La réglementation française concerne 67 espèces d’intérêt sylvicole (à la date de juin 2020).

En France, les matériels forestiers de reproduction font l’objet de recommandations nationales, appliquées régionalement, qui ouvrent droit à des subventions, si elles sont suivies. Ces recommandations, reposant sur les meilleures informations scientifiques disponibles, et incluant une prise en compte des effets du réchauffement climatique global, ont pour objectif le succès durable des plantations forestières.

Pour des financements et des contrats de culture pluriannuels

Bien que la réglementation pour une fourniture d’essences (espèces et provenances) appropriées et résilientes soit en place (avec notamment les articles D153-1 à R153-25 du Code forestier), il est peu probable que cette fourniture puisse se faire dans le temps court de la politique. La production naturelle de semences est notoirement variable et les vergers à graines à production plus régulière concernent trop peu d’espèces et n’incluent que trop rarement du matériel sélectionné pour résister à la sécheresse.

Ainsi, avec des superficies annuelles de plantation aussi importantes que celles prévues dans le volet forestier du plan de relance du gouvernement français, le risque d’utiliser du matériel forestier de reproduction inapproprié est d’autant plus grand que la planification à long terme est relativement rare. In fine, ce qui sera planté risque de dépendre plus des disponibilités immédiates en graines et plants sur le marché européen que des connaissances scientifiques sur l’adaptation des essences et leur variabilité en termes de provenances.

La plantation forestière est l’une des solutions possibles pour compenser les émissions de carbone françaises. Elle comporte de gros risques à long terme si elle est appliquée trop précipitamment. Des financements et des contrats de culture pluriannuels, permettant l’emploi de matériels forestiers de reproduction adaptés et tirant le meilleur parti de la diversité génétique intra- et inter-espèces qui existe dans nos arbres forestiers, nous semblent les stratégies à encourager.

Bruno Fady, Hendrik Davi, Nicolas Martin-StPaul, Julien Ruffault, unité de recherche « Écologie des forêts méditerranéennes » (URFM Inrae, Avignon, France)

Autour du sujet :
Des plants pour ne pas laisser en plan le plan de reboisement
Plan de reboisement: «Gardez la même enveloppe, mais allongez les délais» (Richard Hebras, Vilmorin)
Reboiser avec le changement climatique
Liste et cartes des régions de provenances des essences forestières réglementées par le Code forestier (octobre 2019)



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