Rameaux de cèdre de l’Atlas et leurs connelets mâles (crédit photo: Mireille Mouas/CNPF)
Rameaux de cèdre de l’Atlas et leurs connelets mâles (crédit photo: Mireille Mouas/CNPF)

Faut-il avoir peur des essences exotiques en forêt?

 

Qu’est-ce qu’une essence exotique ? Quels intérêts ? Quels risques ? Pourquoi et comment intégrer ces espèces dans les forêts françaises ? Le numéro spécial 265 de Forêt-entreprise dresse un tableau objectif de la situation. Il passe en revue l’histoire et la place des essences exotiques en France, leurs particularités, leur évaluation vis-à-vis de la biodiversité et du changement climatique actuel, pour mesurer l'intérêt de les introduire et dans quelles conditions.

 

Depuis quelques années, la société s’est emparée du débat sur la gestion forestière à la suite de certaines associations environnementalistes relayées par la presse et les réseaux sociaux. Parmi les mots qui fâchent, l’un d’eux mérite que l’on s’y attarde car il est omniprésent : « exotique ». Il fait l’objet du numéro spécial 265 de Forêt-entreprise, dont voici une synthèse.

Essences exotiques : de quoi parle-t-on ?

Une espèce est exotique quand elle est « introduite volontairement ou accidentellement en dehors de son aire de répartition naturelle » (définition simplifiée du Museum national d’histoire naturelle). Cette définition, simple a priori, repose sur deux notions complexes (espèce et géographie), auxquelles il faut ajouter celle du temps puisque la répartition des espèces n’a cessé d’évoluer. En effet, après les grandes glaciations, certaines essences ont pu se réinstaller naturellement sur le territoire français. D’autres ont été introduites, ou réintroduites, par l’homme à différentes époques, parfois dès la préhistoire.

Même si nombre de ces introductions n’ont pas réussi, l’homme vit aujourd’hui entouré d’exotiques (animaux et végétaux) et les utilise quotidiennement. Mais, les essences forestières suscitent beaucoup plus de polémiques que les espèces ornementales, alimentaires ou de compagnie.

Parmi ces espèces introduites en forêt, on distingue celles qui l’ont été après 1500, les « néophytes » (excluant alors les noyer commun, châtaignier… importés avant cette date), considérées souvent comme celles à bannir pour certaines associations.

L’IGN rappelle qu’aujourd’hui, si quatre espèces exotiques forestières seulement ont une certaine importance en France (douglas, pin noir d’Autriche, robinier faux-acacia et peuplier cultivé), elles n’occupent au total que 7 % de la surface forestière. Leur poids économique n’est cependant pas négligeable puisqu’elles représentent 22 % du bois d’œuvre commercialisé. Ce fut d’ailleurs l’une des raisons majeures de leur introduction.

Place des exotiques parmi les essences forestières françaises (en surface). À la partie supérieure des colonnes, figurent les intervalles de confiance. Source : Inventaire forestier de l’IGN, campagnes 2009 à 2020
Place des exotiques parmi les essences forestières françaises (en surface). À la partie supérieure des colonnes, figurent les intervalles de confiance. Source : Inventaire forestier de l’IGN, campagnes 2009 à 2020

Les essences exotiques dans l’écosystème forestier

Une espèce exotique n’est pas nécessairement envahissante et une espèce envahissante n’est pas forcément exotique. Pourtant, certaines essences exotiques sont régulièrement qualifiées d’envahissantes, même si elles ne figurent pas sur la liste officielle de l’Union européenne. Quelques introduites montrent effectivement de fortes capacités de régénération, mais ce n’est pas une spécificité des exotiques ; c’est le cas de beaucoup d’indigènes, pionnières (saules, bouleaux…) ou non (hêtre, érables…). Par ailleurs, elles sont souvent gérables par une sylviculture appropriée. La plus importante en surface de celles citées souvent comme envahissantes, le robinier, n’occupe que 1 % de la surface forestière.

Alain Roques (Inrae) et François-Xavier Saintonge (DSF*) indiquent que les échanges mondiaux et le changement climatique conduisent à augmenter le nombre d’essences forestières et de bioagresseurs sur le territoire français, et à complexifier leurs relations. Le risque croît quand le bioagresseur, indigène ou exotique, trouve une nouvelle essence hôte qui est génétiquement proche de celle qu’il côtoyait à l’origine. Les auteurs récapitulent les bioagresseurs majeurs autochtones et exotiques par essence (autochtone ou exotique). La surveillance s’impose face à l’intensification du commerce mondial et aux modifications du climat.

Thomas Brusten (IDF*) et Yann Dumas (Inrae) s’intéressent au rapport entre essences exotiques et biodiversité forestière. Les peuplements d’essences indigènes constituent globalement le support d’une biodiversité plus riche que ceux d’essences exotiques. Ces relations sont toutefois très complexes et dépendent des groupes d’espèces étudiés, de la nature des essences forestières, de facteurs locaux et temporels, ainsi que de la sylviculture pratiquée. L’introduction d’essences exotiques peut être compatible avec les objectifs de préservation ou de restauration de la biodiversité, à condition de mettre en place une planification et une gestion forestière intégrant étroitement ces enjeux.

L’opposition aux exotiques

Malgré un premier accueil favorable, les exotiques se sont heurtés à partir du XIXe siècle à différents mouvements d’opposition invoquant des raisons variées : esthétisme, nationalisme, culture locale… et aujourd’hui écologie, naturalité. Souvent assimilés, en général à tort, à des espèces envahissantes, ils sont devenus les symboles de la monoculture productiviste, du fait de la confusion fréquemment entretenue entre essence et mode de gestion. Le douglas en est l’exemple type.

C’est sur robinier, chêne rouge, cerisier tardif et noyer noir, que se focalisent en général les critiques : ils sont accusés d’être envahissants et dommageables pour la biodiversité en forêt. Jacques Becquey (IDF*) souligne qu’ils présentent cependant des intérêts pour la production de bois ou de produits annexes. Plutôt que de chercher à les éradiquer, il semble plus réaliste de raisonner leur implantation et de les gérer par une sylviculture appropriée, comme pour les essences autochtones de comportement analogue.

Composer avec les exotiques en forêt

Le changement climatique, dont la progression est très rapide à l’échelle de croissance des arbres, révolutionne nos points de vue sur le choix des essences, leur répartition et leur gestion. Plusieurs solutions s’affrontent ; laisser faire la nature, utiliser la migration assistée (migration des arbres accélérée par l’homme), introduire des exotiques, et modifier la sylviculture. Elles sont à expérimenter conjointement pour affiner les techniques et proposer des solutions d’adaptation variées aux sylviculteurs.

Si l’introduction d’exotiques paraît inévitable face aux risques de dépérissement de certaines de nos essences indigènes, qui se confirment d’année en année, elle doit être prudente et raisonnée. Éric Paillassa (IDF*) nous explique comment les organismes de recherche et développement forestiers se sont associés pour mener des actions concertées : mise à disposition des connaissances, inventaire des plantations d’espèces atypiques, choix et test d’essences alternatives potentiellement intéressantes.

Le numéro spécial de Forêt-entreprise conclut sur les conditions d’une bonne introduction : respect des règles sanitaires, des étapes nécessaires (acclimatation, naturalisation), de la sensibilité de la société, des milieux naturels à préserver, gestion adaptée. Si les exotiques ne sont certainement pas à bannir et peuvent faire partie de la palette des solutions face au changement climatique, il ne faut pas ou plus les introduire sans discernement.

Ce numéro passionnant de Forêt-entreprise détaille tous ces thèmes, complétés par quelques articles apportant une hauteur de vue supplémentaire (« Sortons du bois », « La Nouvelle-Zélande et sa forêt de plantation d’espèces exotiques »…).

Bonne lecture !

Christine Pompougnac et Philippe Riou-Nivert,
CNPF-IDF

* DSF : département de la Santé des forêts.
IDF : Institut pour le développement forestier du Centre national de la propriété forestière (CNPF).



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Rubrique humoristique et satirique de la forêt et du bois


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