Ils ont pour noms cormier, poirier, châtaignier, tilleul, charme ou merisier. Ces feuillus forestiers, qualifiés de divers ou précieux, souffrent de leur isolement économique, voire géographique. Dans son numéro de septembre 2019, Forêts de France braque les projecteurs sur ces oubliés des marchés.
Le marché des bois de feuillus est loin de refléter la diversité de la forêt française. Le chêne et, dans une moindre mesure, le hêtre focalisent l’attention des acteurs économiques. Quid des feuillus divers et des feuillus précieux que les anciens savaient récolter et valoriser ? Les volumes prélevés de bois d’œuvre de châtaignier, merisier, charme, érable, tilleul ou noyer ont drastiquement diminué ces 20 dernières années ; l’utilisation de ces bois autrefois transformés localement s’est peu à peu étiolée. Désormais, ils n’entrent plus dans les cases du marché standardisé.
Un désamour aux raisons multiples
Dans son numéro de la rentrée 2019, Forêts de France consacre un dossier complet à ces essences secondaires. Les raisons de ce désamour sont multiples. Elles tiennent à l’histoire et à l’écrasante domination du chêne. Aujourd’hui, l’explication la plus évidente est économique. À de rares exceptions près, les marchés nationaux ne s’intéressent plus à ces essences. Sorbiers, tilleuls, aulnes, poiriers, érables, alisiers sont disséminés dans les forêts, donc compliqués à mobiliser, parfois à transformer. Ils restent difficiles à commercialiser, faute de débouchés solides et durables.
Les responsabilités se sont diluées dans le passé récent des 40 dernières années. La disparition progressive des petites scieries de proximité a joué un rôle indéniable, mais il faut chercher l’explication majeure dans le changement des habitudes de consommation. Le meuble massif n’a plus la cote, les fruitiers aux tons prononcés n’ont plus la faveur des architectes d’intérieur, les marchés de niche dont bénéficiaient certains feuillus ont disparu. Marchands de bois, scieurs et gestionnaires forestiers s’accordent sur ces symptômes.
Une diversité à préserver
Quand les prix de vente de bois se montraient favorables, les propriétaires ont planté des précieux. Difficile de résister à l’appel de la diversité quand flambent les cours d’un alisier ou d’un érable ondé. Et pourquoi n’aurait-on pas planté de frêne il y a 30 ans ? Comment pouvait-on deviner qu’un champignon voyageur viendrait décimer ce capital ?
Les propriétaires forestiers qui ont misé sur ces précieux ont-ils pour autant tout perdu ? Cette conclusion serait exagérée. Les feuillus divers qu’ils ont plantés, détourés, pour ne pas dire bichonnés pendant des décennies, sont toujours là, au cœur des parcelles. Ils apportent la diversité dont les forêts ont besoin pour affronter les maladies et le changement climatique. Les fruitiers sont les amis de la biodiversité, ils nourrissent les oiseaux et enrichissent les sols. Ces bénéfices comptent et vont compter de plus en plus. Pour toutes ces raisons, les gestionnaires continuent à encourager la plantation de feuillus précieux, mais avec parcimonie, en procédant par bouquets.
Et puis, les vents finiront peut-être par tourner. Le fait est connu, les marchés, comme les modes, sont cycliques. Il y a donc à espérer que le merisier, le plus durement touché par cette crise, renoue un jour avec les acheteurs.
Pascal Charoy (Forêts de France)