Le risque tempête est-il plus grand quand les sols forestiers sont gorgés d’eau?

Chablis d’un pin maritime d’une trentaine d’années, dégât fréquemment observé dans le massif des Landes après une tempête (crédit photo: Pauline Défossez)
Chablis d’un pin maritime d’une trentaine d’années, dégât fréquemment observé dans le massif des Landes après une tempête (crédit photo: Pauline Défossez)
Le risque tempête est-il plus grand quand les sols forestiers sont gorgés d’eau?

En cas de tempête, la teneur en eau des sols présente-t-elle un danger pour l’enracinement des arbres ? Une étude, publiée par des chercheurs de l’Inrae, apporte des éléments de réponse.

 

Le rôle hydrologique du sol dans la résistance des arbres au déracinement a été peu observé ces dernières années. Pauline Défossez, de l’unité mixte de recherche « interactions sol plante atmosphère » de l’Inrae Bordeaux, explique :

« La question des tempêtes, étudiée depuis plus d’une vingtaine d’années, portait principalement sur l’interaction entre le vent et la canopée. La partie ancrage des arbres dans le sol n’a pas beaucoup été étudiée, car ce n’est pas facile d’atteindre les racines, ni de manipuler les racines et le sol. Nous avons pu analyser la manière dont le système se comporte, à partir du moment où nous avons disposé de modèles matures pour comprendre ce qu’il se passait entre les racines et le sol. »

Ces travaux, entre expérimentations de terrain et modélisation, résultats de dix années de recherche, viennent d’être publiés dans Forest Ecology and Management. Ils ont prioritairement porté sur le massif forestier landais (Nouvelle-Aquitaine) et l’impact de la teneur en eau des sols sur la résistance au vent du pin maritime. Les pins, objets de l’étude relativement jeunes, sont âgés de 14 ans. Des études antérieures avaient été conduites sur le massif mais, indique la chercheuse, « les résultats étaient incomplets et insuffisants pour sortir des données sur la saturation en eau ».

Vers une plus forte pluviométrie en hiver

Le changement climatique se traduit par une plus forte pluviométrie en hiver, par des évènements extrêmes : plus de canicule, plus de sécheresse, présence de pathogènes plus agressifs. Pauline Défossez craint que nous ayons à faire face à des risques plus importants :

« Les massifs les plus exposés au vent, aux tempêtes et à la forte pluviométrie se situent sur le front atlantique. S’ils poussent sur des sols peu profonds, le danger est amplifié. »

Le massif landais, l’un sinon le plus grand massif forestier d’Europe de l’Ouest (environ 950 000 hectares), a ceci de particulier qu’il prend racine dans des sols sableux. La présence répandue des pins maritimes et la production de résine sur les Landes sont une conséquence de la loi du 19 juin 1857, soutenue par l’empereur Napoléon III, qui conduisit à l’assainissement et à l’ensemencement du territoire landais. L’espace autrefois marécageux était occupé par l’élevage ovin et des bergers juchés sur des échasses.

La saturation en eau, un point de non-retour

Les scientifiques ont mesuré sur le terrain la résistance des arbres au cours de tractions allant jusqu’au déracinement complet. Ils ont ensuite excavé et transféré les systèmes racinaires en laboratoire, afin de reconstituer leur structure en 3D. Les propriétés hydriques et mécaniques des sols du site expérimental ont également été mesurées en laboratoire. Le point de non-retour est atteint lorsque le sol est complètement saturé en eau ; alors, la résistance au déracinement chute, notent les chercheurs de l’Inrae.

L’équipe s’apprête à étudier la résistance des arbres de plus grande taille ; les peuplements les plus endommagés lors des tempêtes mesurent quelque 25 mètres de hauteur. Pauline Défossez s’intéresse par ailleurs à l’adaptation des arbres au vent et à l’évolution de leur structure au cours de leur croissance, car « ils sont capables de modifier leurs pieds et la forme de leur tronc en fonction de l’environnement. Il s’agit de mieux comprendre comment l’arbre se protège pour assurer sa survie. » Cette connaissance doit favoriser l’intervention des exploitants dans les parcelles, car lors d’une coupe rase, la parcelle qui se trouve derrière est plus exposée aux vents.

Martine Chartier/Forestopic

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