Et si la filière forêt-bois s’inspirait du modèle agricole?

Pierre-Olivier Drège
Pierre-Olivier Drège (crédit photo: Forestopic)
Et si la filière forêt-bois s’inspirait du modèle agricole?

Sur le regroupement de l’offre, la contractualisation, l’export, les outils financiers, l’expérience des agriculteurs peut-elle apporter un éclairage à la filière forêt-bois ? Pierre-Olivier Drège dresse un parallèle entre les deux secteurs.

 

Le modèle agricole peut-il être une source d’inspiration pour la filière forêt-bois ? Comme l’agriculture, la forêt et le bois sont traversés par des questionnements sur la répartition de la valeur. L’activité y est locale, autant qu’elle s’exerce en résonance avec les marchés mondiaux. Les deux filières ont aussi en commun des enjeux de développement rural, d’environnement et, par ailleurs, des objectifs de long terme pouvant se voir tiraillés par divers aléas, climatiques par exemple.

« L’agriculture et la forêt sont deux cousins germains. Elles se côtoient sans vraiment se connaître ni se mêler. »

Ainsi Pierre-Olivier Drège a-t-il donné le ton, lors de son intervention sur cette thématique, à l’occasion du colloque « Pour un essor de la filière forêt-bois », organisé à Paris, le 26 septembre 2016, par l’Association française des eaux et forêts (AFEF).

Sur le regroupement de l’offre et la contractualisation, sur la place de l’export, sur la création d’outils financiers, Pierre-Olivier Drège a brossé l’expérience que s’est construite l’agriculture. Connaisseur des deux univers forestier et agricole, cet ancien directeur général de l’Office national des forêts (ONF), préside la coopérative forestière Nord Seine Forêt ; il est aujourd’hui directeur général de l’Association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB) et directeur général délégué d’Unigrains, fonds d’investissement détenu en majorité par la profession céréalière.

Privilégier la performance grâce à la contractualisation

Meuliers, laiteries, sucreries, ces segments ont abandonné le système de cueillette à mesure qu’ils se sont développés. Ce qui s’est doublé d’un corollaire, analyse Pierre-Olivier Drège :

« L’approvisionnement étant acquis, par contrat, l’énergie peut être orientée vers la performance industrielle, logistique, marketing. »

Les coopératives ont joué « un rôle prépondérant » dans cette mue, mais sans en être les seuls acteurs.

Le contrat lie les producteurs et les transformateurs. Il fixe, entre autres, les conditions de production et de livraison. Le prix est discuté à périodicité déterminée, résume l’ingénieur. En effet :

« On ne peut se mettre en marge du marché qu’au détriment de l’une des deux parties. »

L’export, sans concurrencer la transformation nationale

Comment mobiliser le bois délaissé ? « Le secteur agricole a bien connu ce débat », estime Pierre-Olivier Drège. Il n’y a rien de choquant, à ses yeux, dans l’export d’une matière première lorsque cela se justifie :

« Pour le blé, il est enfin admis que l’exportation sur l’Europe et des pays tiers est un marché en soi. Ce n’est plus dans les discours que de dire que cela se fait au détriment de la transformation nationale. »

C’est une question de bon sens, plaide-t-il, alors que « le marché est demandeur de blé, pas de farine et encore moins d’appellation d’origine contrôlée ». Surtout quand ces ventes à l’international restent sans impact sur les cours céréaliers.

Un point de vue qui pourrait alimenter les débats sur l’export des grumes.

Fonds d’investissement détenus par la profession

Le tissu agroalimentaire français se caractérise par de nombreuses PME familiales. D’où la création de fonds détenus par des agriculteurs. Unigrains gère, avec ses filiales, plus d’1,2 milliard d’euros.

« Ces fonds ont contribué à des regroupements, à l’émergence d’entreprises structurantes, et ont permis le maintien de centres de décisions en France  »,

poursuit Pierre-Olivier Drège.

Et de prendre, en exemple, trois champions mondiaux de la production de malt, à même de négocier avec des géants de la bière.

Des initiatives vont dans ce sens au sein de la filière forêt-bois, avec le renforcement du fonds stratégique ou l’association de forestiers investisseurs, Forinvest.

Au final, le secteur agricole fait primer l’économie, parce que « c’est le nerf de la guerre », souligne Pierre-Olivier Drège. Sans oublier les impératifs de développement durable.

Chrystelle Carroy/Forestopic

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