Nestlé et Ferrero testent un nouvel outil de suivi du couvert forestier, basé sur l’imagerie satellite. Ils entendent suivre au plus près leur chaîne d’approvisionnement, en l’occurrence d’huile de palme.
Quand une entreprise s’engage à éradiquer la déforestation de sa chaîne d’approvisionnement, comment s’assurer que cette promesse est tenue sur le terrain ? Cela vaut pour les cultures de soja, d’huile de palme, ou l’élevage de bovins, rendus responsables du recul des forêts tropicales au Brésil ou en Indonésie, en lien avec des activités illégales.
Surveiller les plantations d’huile de palme
Avec leurs yeux de lynx, les satellites sont à même de débusquer le défrichement d’une forêt protégée, y compris dans des zones reculées. Le suisse Nestlé et l’italien Ferrero expérimentent un nouvel outil, dénommé Starling, mis au point par Airbus Defence and Space, constructeur de satellites et spécialiste de l’imagerie associée, SarVision, une société issue de travaux de l’université de Wageningen (Pays-Bas), dédiée notamment à la télédétection radar, et The Forest Trust. Cette ONG accompagne les entreprises dans l’application, à leur chaîne d’approvisionnement, de leur responsabilité sociale et environnementale.
Pour les deux géants de l’agroalimentaire, il s’agit de surveiller au plus près des plantations d’huile de palme situées en Malaisie (et également en Indonésie pour Ferrero), ainsi que les forêts tropicales du bassin de production. L’huile de palme, en tant qu’ingrédient, entre dans la composition de confiseries, aliments infantiles et autres pâtes à tarte. Pour Nestlé, cette phase pilote vient d’être lancée début 2017 et pour 9 mois.
Le couvert forestier suivi par satellites optiques et radar
Patrick Houdry, responsable solutions forêt et agriculture chez Airbus, décrit le fonctionnement de Starling :
« Nous établissons une cartographie des paysages à haute résolution, qui met en évidence un état initial, par exemple des forêts en régénération en périphérie d’une plantation ou une constellation d’îlots forestiers au sein d’une concession. Ensuite, les satellites optiques et radar fournissent un suivi dans le temps. L’idée est qu’en cas d’évènement, l’entreprise en soit la première informée. »
Le radar sert à détecter et à localiser les changements au sein du couvert forestier. Ce peut être « des sillons qui se mettent en place afin de préparer le sol pour un autre usage que la forêt », illustre Patrick Houdry. Contrairement au satellite optique, le radar s’affranchit des conditions climatiques et peut traverser une couche nuageuse. Il délivre des clichés en noir et blanc. Les images des satellites optiques Spot et Pléiades produisent des photographies en couleur et facilitent l’interprétation des évènements.
Il en coûte de quelques centimes à quelques dizaines de centimes d’euro par an à l’hectare pour l’utilisation de ce service de télédétection.
Chaîne d’approvisionnement et traçabilité
La région pilote de Nestlé s’étale sur 7 500 km2 en Malaisie. Selon Jean-Manuel Bluet, directeur développement durable de Nestlé France :
« Sur 90 moulins qui fournissent Nestlé France pour l’huile de palme, 10 % sont situés sur cette zone. Si l’expérimentation fonctionne, nous déploierons ce dispositif. »
Les partenaires y voient un moyen de « prouver » les résultats d’une politique « zéro déforestation », là où la certification porte sur un échantillon et nécessite des audits jugés coûteux. C’est aussi un système d’alerte permettant, si besoin, de corriger le tir auprès des fournisseurs.
Nestlé affirme maîtriser la traçabilité de 90 % de son approvisionnement en huile de palme jusqu’aux moulins producteurs, dont 57 % respectent ses engagements de durabilité. C’est donc un travail qui se poursuit.
Le groupe suisse écoule l’équivalent près de 10 000 tonnes par an d’huile de palme sur le marché français, sur 420 000 tonnes au global. C’est moins de 1 % de la production mondiale d’huile de palme.
Une version en préparation pour les forêts tempérée
La tâche est de longue haleine, aux yeux de Bastien Sachet, directeur exécutif de The Forest Trust :
« Nombre d’entreprises, dont les traders se sont engagées dans le zéro déforestation. Mais, le changement survient plus lentement qu’espéré. Il faut que les fournisseurs s’approprient la démarche. »
Pour Nestlé, un déclencheur de cette initiative n’est autre que Greenpeace. L’ONG a, en 2010, accusé le groupe de contribuer à la déforestation en Indonésie, via son fournisseur Sinar Mas. Puis, début 2016, Greenpeace classait Nestlé et Ferrero parmi les marques « fournissant un effort satisfaisant ».
Parmi les mécènes du fonds Plantons pour l’avenir
En France, Nestlé compte parmi les mécènes du fonds Plantons pour l’avenir, qui vise la plantation de 10 millions d’arbres d’ici à 2025. En tant qu’utilisateur de bois énergie, de papier, carton et autres palettes, la société s’est engagée à soutenir l’équivalent de la replantation d’environ 60 hectares de forêt chaque année sur 3 ans, à partir de 2017.
Quant à l’outil Starling, une version adaptée aux forêts tempérées est en cours de développement.
Chrystelle Carroy/Forestopic