Le Chant des forêts, un film pour prendre du champ

Grand tétras (image extraite du film Le Chant des forêts, de Vincent Munier)
Grand tétras (image extraite du film Le Chant des forêts, de Vincent Munier)
Le Chant des forêts, un film pour prendre du champ

Le photographe et réalisateur vosgien Vincent Munier signe une immersion en forêt, invitant à l’émerveillement et à l’éveil des sens.

 

La vie sauvage fait le bonheur du chasseur d’images, bien que l’immortalisation photographique ne soit pas une fin en soi. Le film Le Chant des forêts invite surtout à s’émerveiller devant la beauté de la nature.

Le réalisateur vosgien Vincent Munier, qui s’est notamment distingué avec La Panthère des neiges, signe une immersion dans les forêts des Vosges, du Jura – et aussi de Norvège, à la quête du grand tétras.

« Écouter et voir peut-être »

Les animaux semblent venir d’eux-mêmes dans le champ de la caméra, plutôt que l’inverse. C’est que Vincent Munier partage ce qu’il définit comme sa « passion dévorante de rencontrer les bêtes » et sa pratique de l’observation de la nature et de l’affût. Le film est aussi un conte initiatique, où se transmet un savoir entre le cinéaste Vincent, son père Michel, et son fils Simon.

« Écouter et voir peut-être », c’est un leitmotiv de ce long métrage qui nous emmène auprès d’un bestiaire peuplé de chouettes, pics, héron, chat forestier, cerf élaphe, chevreuil et sanglier, lynx, entre autres. Et de la brume.

« Avec la brume, l’image est plus une évocation qu’une illustration. Elle donne une grande part à l’imaginaire »,

confie Vincent Munier.

« Le meilleur » de huit années de terrain

Chaque séquence se laisse contempler comme une œuvre d’art, une peinture dansante et sonore. « C’est un film de photographe, avec beaucoup de plans fixes », fait remarquer l’auteur. « Il offre le meilleur de ces huit dernières années, des années et des années de travail et de terrain », ajoute-t-il.

Le réalisateur cite quelques-unes de ses sources d’inspiration esthétiques. C’est la lumière de la bougie qui imprègne la cabane du film, autant que les tableaux de Georges de La Tour. C’est le style de Claude Gellée dit « Le Lorrain », peintre, dessinateur et graveur du XVIIe siècle. C’est aussi la peinture japonaise à l’encre sumi-é et ses touches évanescentes.

Le grand tétras, le lynx

En toile de fond, transparaît la rareté prononcée du grand tétras. D’ailleurs, cet oiseau sauvage a fait l’objet, en 2024, d’une première translocation, dans les Vosges, d’individus issus de Norvège. Ceci dans le cadre d’un programme porté par le parc naturel régional des Ballons des Vosges, « compte tenu de l’urgence à agir pour éviter l’extinction de cette espèce sur le massif », d’après la préfecture du Grand Est – une initiative qui doit encore convaincre, relate France 3.

Le grand tétras incarne l’un des vocalistes du Chant des forêts. Le lynx fait son apparition. Par un concours de circonstances, l’oiseau et le félin s’avèrent présents dans la forêt communale de Wildenstein (Haut-Rhin), où une partie des images sont tournées ; cette forêt a vu son projet de renforcement des continuités écologiques, avec 180 hectares en « libre évolution », sélectionné parmi les lauréats 2025 de « Nature Impact », le fonds porté par WWF France et alimenté par le mécénat (paiement pour services écosystémiques ou PSE).

Fanny Rouxelin, directrice du pôle biodiversité terrestre à WWF France, se félicite de la sortie du film. Elle revient sur la destinée du lynx : « Il avait disparu de France dans les années 1970, puis il est revenu par la Suisse. Trois principales menaces pèsent sur cette espèce, les collisions routières, les destructions illégales dont sont victimes certains lynx, et le manque de diversité génétique, ces individus étant les descendants de cinq couples présents en Suisse. »

Les périls paraissent similaires à l’égard du grand tétras qui est également en proie à la dégradation de son habitat et au changement climatique, selon un rapport du centre d’expertise PatriNat.

Dans le film, un lynx jette son dévolu sur un chamois. Par ailleurs, un lynx peut manger un chevreuil tous les 7 à 15 jours, compte Fanny Rouxelin, alors que l’équilibre entre la flore et la grande faune (ongulés) reste un sujet de préoccupation.

« Arriver sur la pointe des pieds »

« Cela m’a pris 10 ans, avant de voir “mon” premier lynx, dans les Vosges », témoigne Vincent Munier. Que dirait-il aux novices qui veulent s’initier à l’affût ?

« Ce qui me plaît, c’est de s’échapper de son confort, de la consommation, d’y aller et, pourquoi pas, de passer une nuit en forêt, en se fondant dans l’environnement de manière mimétique, monochrome, par exemple avec un filet de camouflage. Il faut arriver sur la pointe des pieds, se faire discret, être attentif aux traces, aux indices que laissent les bêtes. À l’affût, les sens sont en éveil. Le plus important est d’être dehors et de ressentir. »

Vincent Munier suggère aussi de se documenter dans les livres.

Et en salle, Le Chant des forêts est à voir sur grand écran.

Chrystelle Carroy/Forestopic

Fiche technique
Le Chant des forêts
Un film de Vincent Munier.
Durée : 1h33.
Au cinéma le 17 décembre 2025.
Production : Paprika Films et Kobalann.
Distribution : Haut et Court.