À l’exception de la foudre, c’est l’homme qui est à l’origine de tous les feux de forêt
À l’exception de la foudre, c’est l’homme qui est à l’origine de tous les feux de forêt (crédit photo: Aussie Oc)

Non, la forêt ne brûle pas toute seule. Le feu suit l’homme

 

Les constructions anarchiques et autres actes de malveillance restent la cause première des incendies de forêt. Dans ce contexte, il est urgent de se donner les moyens d’une politique de prévention face à un risque qui s’étend à l’échelle européenne. 

Les feux de forêt ont des effets néfastes en matière de changement climatique, car ils renvoient du carbone dans l’atmosphère. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) le rappelle dans son dernier rapport faisant suite à l’accord de Paris – le document, publié le 8 octobre 2018, étudie un scénario où le réchauffement global se limiterait à 1,5 °C.

Or, rappelons-le, à l’exception de la foudre, c’est l’homme qui est à l’origine de tous les feux de forêt, directement ou indirectement, par négligence ou malveillance.

Les risques d’incendie corrélés à la densité de population

Il est établi que l’augmentation des risques de feu est corrélée à la densité de population (zones urbanisées en milieu forestier ou en bordure, stations balnéaires, etc.) et à la circulation des personnes (axes routiers, ferrés, lignes électriques…). Ainsi dans le sud de l’Europe, des pays, comme la France, voient leur population doubler pendant l’été avec de fortes concentrations dans les zones touristiques.

Les feux de forêt, une problématique européenne

C’est aussi le cas en Italie, en Espagne, en Grèce, au Portugal. Dans ces deux derniers pays, l’absence de cadastre a provoqué une urbanisation anarchique, sans tenir compte du milieu forestier, sans aucune gestion, démultipliant les risques tout en rendant l’intervention des secours encore plus difficile. Par exemple, les incendies survenus à l’est d’Athènes, en juillet 2018, ne sont pas sans lien avec les constructions illégales édifiées en zone boisée.

La pression sociale se développe sur les milieux forestiers multipliant les risques d’incendies et les feux gagnent la Turquie jusqu’à la Russie et vers les Pays Baltes, situation qui devient inquiétante à l’échelle européenne.

La Suède et la Finlande, dont 70 % des territoires sont boisés, n’échappent pas non plus à ces phénomènes avec une fréquentation accrue de leur forêt. Et pourtant, ces deux pays ont engagé, via le Parlement européen, une procédure devant la Cour de justice des Communautés européennes qui a fait annuler, en 1999, le seul texte européen dédié à la défense des forêts contre l’incendie (DFCI), qui consacrait à la prévention, aux aménagements, aux équipements des forêts contre les risques d’incendie, un financement autonome : le règlement 2158/92… un revers de l’histoire en quelque sorte !

Vers une extension des zones à risque feux de forêt

S’il est vrai que le réchauffement climatique aggrave cette situation, il n’en est pas « la » cause. Les jours de canicule ne le sont pas davantage. La menace, c’est le feu ; pas la forêt. Personne n’a jamais vu des arbres se mettre le feu entre eux ! Et il suffit de l’action d’un individu pour déclencher un feu (ou plusieurs) par une belle journée avec le vent qui se lève.

Dans ces conditions, le « laissez faire la nature » tout en laissant construire n’importe où, aboutit à fabriquer des bombes à retardement ; les feux de Los Angeles sont à inscrire dans cette même « logique » de négligence, de faute politique, comme en Grèce ou au Portugal.

En France, un rapport interministériel de  juillet 2010 décrit l’extension des zones à risque de feux de forêt sur les 50 prochaines années jusqu’en Auvergne-Rhône-Alpes, dans les Charentes, la Bretagne, la région angevine, etc. Nous sommes donc prévenus.

Tous ces éléments sont connus depuis des décennies, aussi bien l’évolution du climat que les courbes démographiques ou la pression sociale dans les zones forestières et donc la nécessité d’une gestion appropriée, adaptée, des forêts.

La prévention, une politique à appliquer et à financer

Les solutions aussi sont connues pour répondre à cette augmentation des risques, annoncée dès les années 1980 : il faut développer prioritairement une politique de prévention, c’est-à-dire de mise en défens des forêts contre l’incendie et ce par massif forestier. Ce que l’on appelle la défense des forêts contre l’incendie (DFCI) telle qu’elle a été organisée, par exemple, depuis les années 1950 dans le Sud-ouest de la France, dans la forêt des Landes de Gascogne. Ce système aide à mieux protéger les forêts en fonction des spécificités de chaque massif. Grâce à des modèles, il permet de calculer la densité de pistes et de points d’eau nécessaires. Il constitue, en ce sens, une technologie qui pourrait servir de référence en la matière.

Sans supprimer les risques (le risque zéro n’existant pas), cette politique de prévention a pour effet de limiter, contrôler leur impact et, par suite, de rendre plus efficace l’intervention des pompiers. Encore faut-il décider de l’appliquer et la financer ?

Tous les services écosystémiques rendus par les forêts, les fonctions économique, environnementale, sociale, qu’elles fournissent devraient facilement justifier ce financement, ne serait-ce qu’au titre du stockage du carbone, en tant que régulateur de climat.

Protéger les forêts contre les risques est une nécessité vitale pour la planète et donc pour nous tous ; de plus, c’est un investissement environnementalement, économiquement et socialement rentable.

Mais, la « guerre du feu » offre un tout autre spectacle, tellement plus télévisuel, avec ses soldats du feu, ses combattants sur terre, dans les airs, et ses victimes, et donc politiquement plus médiatique... alors que la prévention, « c’est vaincre sans bataille ».

Christian Pinaudeau
Doctorant à l’université de droit et sciences politiques de Bordeaux IV
Thèse sur la gouvernance de la filière forestière et la gestion des risques d’incendie

Pour aller plus loin :
Échec aux feux de forêt. Étude sur la défense des forêts contre l’incendie (DFCI)
, Christian Pinaudeau, L’Harmattan, 2020, Paris, 352 p. Disponible en format papier (29 euros) et numérique (22,99 euros).

Mis à jour le 12 avril 2022



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