Frênes touchés par la chalarose
Frênes touchés par la chalarose (crédit photo: François Lebourgeois)

Émergence de bioagresseurs en forêt: de la prévention à la lutte biologique

 

La Revue forestière française consacre un numéro spécial aux ateliers Regefor 2017*, centrés sur le thème des bioagresseurs émergents en forêt, qu’il s’agisse des agents pathogènes (champignons, bactéries, virus) ou des ravageurs (invertébrés, rongeurs...). 

La part des signalements liés aux champignons pathogènes – notamment des espèces introduites – est de plus en plus importante dans les forêts françaises. C’est ce que révèle l’analyse des dispositifs de surveillance mis en place par le département de la Santé des forêts (DSF) depuis sa création en 1988.

Quelques espèces causent l’essentiel des dommages

Le champignon Hymenoscyphus fraxineus (responsable de la chalarose du frêne), ceux du genre Dothistroma (responsables de la maladie des bandes rouges du pin), la chenille de la pyrale du buis ou le cynips du châtaignier sont quelques-unes des espèces émergentes récentes en France métropolitaine. D’autres agents pathogènes à l’origine de maladies comme le flétrissement du chêne et la mort subite du mélèze ainsi que des ravageurs comme le nématode du pin maritime et l’agrile du frêne constituent une menace majeure ou sont à nos portes.

Les forêts françaises hébergent quelques dizaines de milliers d’espèces d’insectes et de champignons, sans doute beaucoup plus encore de bactéries. Quelques centaines seulement sont considérées comme des parasites pour les arbres forestiers (environ 900 bioagresseurs sont enregistrés en base DSF) et quelques dizaines causent des dommages importants, tels que mortalité d’arbres (insectes cambiophages, pourridiés racinaires…), mortalité de jeunes tiges (hylobe…), perte de croissance (insectes phyllophages, agents pathogènes foliaires), dégradations technologiques (fomes, agents de chancre, champignons lignivores, insectes xylèmophages...).

Les voies d’introduction d’insectes et de champignons exotiques (c’est-à-dire non indigènes) sont majoritairement d’origine accidentelle. Elles résultent désormais en premier lieu du commerce mondial de plantes ornementales (en particulier les arbustes) ainsi que, dans une moindre mesure, de celui des bois transformés (meubles, emballages…) puis du bois lui-même, les volumes importés ayant diminué ces dernières années. L’Asie apparaît actuellement comme la source dominante de ces introductions.

Des actions de prévention en amont existent, comme d’éviter de planter des végétaux sensibles ou de transporter des sols contaminés.

Les forêts mélangées, plus résistantes

De plus, un nombre croissant d’analyses et d’études empiriques indiquent qu’en milieu tempéré, les forêts mélangées subissent moins de dégâts d’insectes que les forêts monospécifiques. Plusieurs mécanismes peuvent expliquer cette résistance par association d’essences forestières :

la présence d’essences non hôtes induit une diminution de la ressource en arbres hôtes, une réduction de leur accessibilité, voire une modification de leurs caractéristiques, qui limitent leur colonisation et leur exploitation par l’insecte ravageur ;

la diversité des essences conduit à une augmentation de la ressource et des habitats favorables aux ennemis naturels des insectes ravageurs et donc à une amélioration de leur efficacité prédatrice ;

– plus que la richesse spécifique, c’est surtout l’identité et la proportion relative des différentes essences en mélange qui conditionnent la résistance aux ravageurs. Une étude expérimentale fondée sur plusieurs combinaisons de plantations de pins pures ou mélangées avec des essences feuillues montre notamment une réduction de la pullulation de la processionnaire du pin en cas de présence de bouleau à proximité, une essence non hôte qui émet une odeur répulsive pour l’insecte.

Par ailleurs, le maintien de la variabilité génétique des arbres semble d’autant plus nécessaire que la capacité d’adaptation des bioagresseurs est élevée (leur cycle de développement est plus court que celui des arbres, leur évolution est plus rapide).

La lutte biologique gagne en efficacité

Dans le cas des insectes forestiers invasifs, la lutte biologique classique – consistant à introduire des ennemis naturels (parasitoïdes, prédateurs ou pathogènes) de la région d’origine de l’insecte – est généralement assez efficace, en particulier pour limiter les populations de ravageurs, à long terme sur le territoire envahi. Des travaux de recherche montrent qu’environ un tiers des populations de ravageurs ciblées (172 espèces d’insectes) ont ainsi été contrôlées grâce à l’introduction d’environ 6 000 parasitoïdes et prédateurs.

Cependant, pour éviter les effets non cibles liés à l’introduction d’espèces non indigènes – risques de propagation des ennemis naturels hors de la zone d’intérêt, impact sur la diversité locale… –, il apparaît essentiel d’évaluer les risques associés à l’introduction de toute espèce. Ces effets négatifs sont documentés. Néanmoins, ils ne semblent pas, pour l’heure, remettre en cause la pertinence de la lutte biologique dont le taux de succès a augmenté ces dernières années du fait d’efforts réalisés en termes de sélection.

Les effets incertains du changement climatique

Sous l’effet du réchauffement climatique, les chercheurs s’attendent à une augmentation de la diversité et du nombre d’agents pathogènes. Néanmoins, il est difficile de généraliser une telle conclusion. En termes d’adaptation au changement climatique, les préconisations vont notamment dans le sens d’une augmentation de la richesse en essences.

D’après le numéro spécial « Ateliers Regefor 2017. Émergence de bioagresseurs en forêt : comment identifier et atténuer les risques ? », n° 6/2018 de la Revue forestière française, paru à l’été 2019.

* Manifestation organisée par l’INRA, AgroParisTech, l’université de Lorraine, le GIP Ecofor, le département de la Santé des forêts (DSF) et l’Office national des forêts (ONF).



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Rubrique humoristique et satirique de la forêt et du bois


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