Le manque de gestion forestière conduit au vieillissement de la forêt, susceptible d’entraîner une perte de qualité des bois. Pour y pallier, des travaux menés dans les Hauts-de-France proposent des indicateurs et des partages d’expériences à l’usage des propriétaires et des gestionnaires forestiers. La revue Forêt-entreprise n° 262 y consacre un dossier.
Comment améliorer le renouvellement des peuplements forestiers ? Dans les Hauts-de-France, la « commission technique de l’union régionale » (CTUR) y travaille depuis décembre 2015. Elle regroupe les professionnels de la forêt privée en Nord-Picardie, en vue de favoriser les échanges de points de vue et les pratiques sur les problèmes techniques et économiques, entre les ingénieurs et techniciens des coopératives forestières (Cofnor, Coforaisne, Nord Seine Forêt 2A), du centre régional de la propriété forestière (CRPF), de l’Office national des forêts (ONF) et des experts ou conseillers forestiers. Forêt-entreprise n° 262 y consacre son dossier, dont une synthèse vous est proposée ici.
Le constat du vieillissement des peuplements forestiers et le retard de déclenchement des travaux prévus par les plans simples de gestion ont conduit à définir conjointement, entre les gestionnaires et le CRPF, l’exploitabilité des bois optimale, technique et économique, par essence.
Déterminer le bon moment pour couper les bois
Laurent Dupayage, directeur de la Cofnor, a validé un indicateur théorique de renouvellement, à portée pédagogique pour les propriétaires forestiers, et qui est intégré aux documents de gestion durable. Cet indicateur théorique tient compte de :
– la surface idéale de régénération (Si), soit la surface occupée par chaque essence rapportée à la révolution. Par exemple, si une hêtraie produit 100 hectares en 100 ans, la Si sera de 1 hectare par an ;
– la production moyenne, en fonction de la fertilité, répartie en bois d’œuvre et bois d’industrie. Les données théoriques souvent bien supérieures à l’historique traduisent le vieillissement des peuplements.
L’histogramme des durées de survie par type de peuplement détermine les surfaces arrivant au terme d’exploitabilité économique par tranche de 20 ans. Il complète le diagnostic en visualisant les déséquilibres et l’évolution de la forêt à long terme.
L’objectif est de favoriser la prise de conscience des propriétaires-décideurs quant à initier ces renouvellements, en ne reportant pas la tâche à la génération humaine suivante.
Des expérimentations sylvicoles à suivre
Guilaume Cousseau, directeur de Coforaisne, poursuit en rappelant que « le propriétaire est au cœur du processus de renouvellement ». Plusieurs conditions sont nécessaires, pour encourager le propriétaire dans sa décision de renouveler ou, au contraire, l’en éloigner. Plusieurs questions-clés précisent certains critères socio-économiques liés au profil du propriétaire, et qui influencent la décision de déclenchement de renouvellement, comme le mode de gouvernance de la gestion forestière, les moyens humains ou financiers, et la projection dans le futur.
Noémi Havet, ingénieur expérimentation au CRPF Hauts-de-France, a recensé les expérimentations sylvicoles et analysé leurs enseignements, notamment les plantations mélangées avec des bandes (plusieurs lignes contiguës d’une essence), des enrichissements par trouées ou par points d’appui (environ 500 m2), etc. Ainsi, si ces pratiques peuvent paraître économiques par rapport à la plantation classique en ligne, elles nécessitent technicité et rigueur dans le suivi, notamment par la matérialisation indispensable des points d’appui et micro-trouées, la vérification précise de la surface renouvelée.
Des écueils à éviter dans les stratégies de gestion forestière
Pierre de Chabot, sylviculteur, partage ses conseils pratiques, fruit de son expérience de gestion du massif familial. La première tentation à éviter serait de se contenter d’une régénération de l’essence présente. Nombre de peuplements, en Hauts-de-France, se régénèrent naturellement en abondance d’érable sycomore. Le risque est alors de réduire la production forestière à une essence marginale et susceptible de connaître des problèmes sanitaires. L’exemple de la chalarose du frêne devrait faire réfléchir les propriétaires !
La deuxième tentation à éviter consiste à croire qu’une régénération abondante ne nécessite pas de suivi. C’est ainsi que l’on voit des jeunes futaies issues de régénération naturelle (semis naturel de l’essence en place), qui n’ont fait l’objet d’aucun traitement et dans lesquelles il est bien difficile de recruter des arbres d’une essence d’avenir.
Une autre tentation à éviter est d’obtenir une régénération naturelle, sans l’accompagner de coupes secondaires et définitives : c’est ainsi que l’on voit des futaies de hêtres surannées avec en dessous des petits vieux. Quel dommage !
Des critères pour les mélanges d’essences
Sylvain Rouvier, stagiaire à l’ONF Picardie, a étudié les critères théoriques utiles pour le choix de mélange, et identifié les points positifs et négatifs de l’association de certaines essences. L’objectif du gestionnaire peut être d’obtenir un mélange durable (âges d’exploitabilité similaires) ou bien un mélange temporaire (une essence arrive à maturité plus précocement). Dans le cas de mélanges temporaires, il est utile d’analyser la tolérance à la mise en lumière de la dernière essence présente. Pour une essence sensible à la mise en lumière, et si les autres critères s’y prêtent, il semble préférable de privilégier des schémas de plantations à échelle plus fine, pour éviter de trop grandes ouvertures (plantations en bouquets de neuf plants en carré, par exemple). Pour être exhaustif, plusieurs expériences privées ou publiques sont partagées, notamment les plantations en mélange réalisées avec quelques propriétaires d’Île-de-France, ou le renouvellement avec la stratégie « Qualification-Dimensionnement » (QD), qui limite les interventions en vue de favoriser les arbres les mieux conformés.
De multiples visites dans les forêts des Hauts-de-France permettent de constater que les réussites de renouvellement, tant dans la mise en œuvre que dans le suivi, sont rares sans l’expertise d’un gestionnaire professionnel.
Nous espérons que vous trouverez de l’intérêt à découvrir ce dossier de Forêt-entreprise, autant que nous avons eu à améliorer nos connaissances et pratiques sylvicoles.
Bonne lecture !
Eugène Duisant, président de la CTUR,
et
Nathalie Maréchal, CNPF-IDF
Pour aller plus loin : accessibles en téléchargement, le sommaire du n°, l’introduction du dossier, un article de Michel Hubert et l’article sur les journées nationales des groupes de progrès en Limousin.