La pratique du «tree hugging» (de l’anglais, étreindre un arbre) aurait des effets bénéfiques sur le bien-être
La pratique du «tree hugging» (de l’anglais, étreindre un arbre) aurait des effets bénéfiques sur le bien-être (crédit photo: LTC Photography)

Les arbres et la forêt, c’est la santé! Vraiment?

 

Les liens qu’entretiennent les arbres et la forêt avec la santé humaine passionnent les scientifiques comme le grand public. Quelles conclusions pouvons-nous tirer sur des bases étayées ? La Revue forestière française et la revue Santé publique explorent ce vaste domaine dans un numéro thématique conjoint « Forêts et santé publique ». 

Depuis la fin des années 1990 et le début des années 2000, les publications de toutes natures sur les interactions entre forêts et santé publique se sont multipliées. Des programmes de recherche ont vu le jour. Les centres d’intérêt, partis de la forêt stricto sensu, se sont élargis dans la direction des forêts urbaines et des espaces verts en ville. Il est désormais facile de trouver en France des prestataires de service proposant de remettre en contact le citadin et la forêt pour améliorer sa santé physique et psychique.

Un champ des connaissances foisonnant, pas encore stabilisé

Ce foisonnement peut intriguer, voire inquiéter le professionnel de santé, le forestier ou « l’honnête homme du XXIe siècle », qui cherchent à se faire une idée personnelle de ce qu’il est possible d’affirmer dans un domaine aussi vaste, sur des bases étayées. La Revue forestière française et la revue Santé publique ont conjointement publié un numéro thématique sur le sujet.

Le champ des connaissances ne peut actuellement être considéré comme stabilisé. Une revue de la littérature scientifique passe au crible 119 publications, dont la plupart proviennent d’Asie, principalement du Japon. Les études abordent le bien-être physique (système immunitaire, cardiovasculaire, hormones…) ou mental (humeur, stress…). En Europe, l’administration écossaise des forêts (Royaume-Uni) peut être considérée comme un précurseur pour la prise en compte des bienfaits des séjours en forêt pour la santé.

Des lacunes demeurent dans la compréhension des mécanismes en jeu, mises à part les données bien établies sur les bénéfices d’une activité physique régulière, pratique naturellement encouragée par la présence d’espaces verts et la proximité de forêts. C’est ainsi que, trop souvent, on peut conclure à coup sûr que l’activité physique a joué un rôle important dans les résultats mis en valeur, mais sans être en mesure de mettre en évidence que c’est bien le milieu forestier ou l’espace vert qui a suscité un effet direct sur la santé.

Une curiosité renouvelée pour les bains de forêt

L’immunologiste Qing Li est le représentant le plus connu de la « discipline » japonaise du shinrin yoku, aujourd’hui médiatisée. Au Japon, aussi bien dans l’héritage du bouddhisme zen que dans celui de la religion shinto pour qui la nature est sacrée, l’influence de la nature sur notre organisme est une évidence. Quand l’Agence des forêts japonaise incite les Japonais à se rendre en forêt pour améliorer leur hygiène de vie, elle se situe dans un cadre culturel qui rend l’invitation immédiatement crédible et convaincante.

Le récent livre de Qing Li, Shinrin Yoku, l’art et la science du bain de forêt, ne peut que susciter une curiosité renouvelée pour ces questions, actuellement sans réponse. Comment prendre en compte les compositions terpéniques dégagées par les forêts japonaises utilisées pour ces expérimentations du shinrin yoku, par comparaison avec une expérimentation qui serait menée en France dans une pinède des Landes, une hêtraie-sapinière, voire une chênaie-hêtraie ?

La forêt « guérisseuse » et sa dimension culturelle

L’anthropologie sociale et culturelle appelle notre attention sur le fait que cet intérêt moderne pour une forêt « guérisseuse » revêt une forte dimension culturelle, qui trouve ses racines dans des comportements, représentations et « savoirs traditionnels » qui dépassent la seule dimension de la pharmacopée. Même parmi les personnes les plus étrangères à cette dimension culturelle de la forêt guérisseuse, il existe une version selon laquelle la forêt peut contribuer à la santé, au travers de l’alimentation. Il s’agit notamment de l’engouement pour les suppléments nutritionnels, compléments alimentaires et autres « alicaments », dont un certain nombre proviennent des forêts (écorces, feuilles, nœuds du bois…).

La forêt est aussi une source de risques

La forêt peut aussi être source de risques. Les forêts tempérées comme les arbres isolés sont des sources potentielles d’allergies, via les pollens de certaines espèces, des spores de champignons, des sciures, la résine et certaines chenilles. Les métiers de la forêt, à tout le moins celui des ouvriers et bûcherons, présentent des risques particuliers d’accidents du travail et de maladies professionnelles.

Les zoonoses*, et notamment la maladie de Lyme (ou borréliose) transmise par les tiques qui en sont les vecteurs, sont une préoccupation majeure et grandissante. Les mesures préventives, telles que le port de vêtements adaptés lors de séjours en forêt ou dans les espaces verts périurbains, l’utilisation de répulsifs anti-tiques ou l’hygiène personnelle, sont insuffisamment mises en pratique, tandis que de nombreux patients revendiquent une coconstruction de la démarche de soins. En amont, le projet multipartenarial CiTique propose, avec une approche de science participative, d’associer les citoyens à la recherche sur les tiques et les maladies qu’elles transmettent.

Les arbres urbains améliorent le confort thermique… voire sonore ?

Dans les villes, la densité de la couverture végétale et sa diversité favorisent le sentiment de bien-être des résidents, notamment en lien avec la richesse en espèces d’oiseaux et plus généralement avec la biodiversité. Mais, ce mouvement pose aussi des défis, dont l’accès équitable et sûr de ces espaces verts pour toutes les catégories de la population, et aussi la maîtrise des risques associés à ce retour de la nature (morsures par des animaux, concentrations polliniques selon les espèces d’arbres).

De plus, la végétalisation de l’univers minéral qu’est l’espace urbain dense est au cœur des politiques d’adaptation au changement climatique, en particulier par son rôle démontré sur la réduction des îlots de chaleur urbains lors des épisodes caniculaires. Les arbres pourraient aussi contribuer à l’amélioration de l’environnement sonore, en complément d’autres actions de réduction du bruit. Mais, dans ce domaine pourtant réputé plus facilement modélisable que d’autres, il demeure une complexité inhérente à l’appréciation des facteurs à prendre en compte dans la conception des modèles visant à « expliquer » le rôle des arbres sur la diffusion des sons et dans la validation expérimentale des modèles.

One Health, une vision globale de la santé humaine, animale et environnementale

Il s’amorce, depuis le début des années 2000, une vision plus large, et donc moins exclusivement anthropocentrée, de la santé publique, notamment avec l’approche One Health (de l’anglais, « une seule santé »). Elle repose sur le constat que 60 % environ des maladies humaines infectieuses connues ont une origine animale et qu’au moins 70 % des maladies émergentes ou réémergentes graves sont, depuis un siècle, des maladies zoonotiques ou à vecteurs (comme la maladie de Lyme), qui peuvent être favorisées par des déséquilibres écologiques ou climatiques. One Health s’appuie sur une alliance entre l’Organisation mondiale de la santé (OMS), l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) et l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE). Elle promeut une approche intégrée, systémique et unifiée de la santé humaine, animale et environnementale, aux échelles locales, nationales et planétaire.

Et la politique forestière ?

Si la forêt mérite d’être intégrée dans des approches larges de la santé publique, notamment lorsqu’il est établi que les écosystèmes forestiers et plus généralement les espaces verts peuvent contribuer à accroître les bénéfices qu’en retire la société, le propriétaire forestier, privé ou public, ne peut que s’en réjouir intellectuellement. Mais, les outils de pilotage d’une politique forestière intégrant les bénéfices pour la santé publique n’existent pas (pas encore ?).

D’après le numéro spécial « Forêts et santé publique » (RFF n° 2-3-4/2018), co-publié par la Revue forestière française et Santé publique, au printemps 2019.

* Zoonoses : maladies infectieuses transmissibles de l’animal à l’homme, et inversement.

Auteurs ayant contribué au n° spécial :
Christian Barthod (CGEDD), Denis Zmirou-Navier (École des Hautes études en santé publique) ;
Patrick Fournier (université Clermont Auvergne) ; Deborah Kessler-Bilthauer (université de Lorraine) ; Yves Birot (Académie d’agriculture de France) ; Michel Thibaudon, Jean-Pierre Besancenot (Réseau national de surveillance aérobiologique) ; Daniel Perron (université Paris I) ;
Timothée Klopfenstein (centre hospitalier de Besançon) ; Yves Hansmann, Benoît Jaulhac (Les Hôpitaux de Strasbourg) ; Thierry Blanchon (Institut Pierre Louis d’épidémiologie et de santé publique Inserm/Sorbonne Université) ; Catherine Chirouze (centre hospitalier universitaire de Besançon) ; Costanza Puppo, Marie Préau (Institut de psychologie, université Lumière Lyon 2) ;
Jean-François Cosson (Laboratoire de santé animale Enva Anses INRA) ; Jean-Marc Armand, Pascale Frey-Klett (INRA) ; Annick Brun-Jacob (INRA, université de Lorraine) ; Julien Marchand (Centre permanent d’initiatives pour l’environnement) ; Paul Boniface (Espace des sciences Pierre-Gilles de Gennes) ; Christine Ortmans (direction générale de la Santé), Gilles Salvat (Anses) ; Pascal Beaudeau, Karine Laaidi, Mathilde Pascal (Santé publique France) ;
Julien Cappelle, Jean-François Guégan (INRA, Cirad) ; Benoît de Thoisy (Institut Pasteur de Guyane) ; Ahidjo Ayouba (Inserm) ;
John Emmanuel Fa (UK Center for International Forestry Research) ; Robert Nasi, Nathalie Vanvliet (Center for International Forestry Research, Cifor) ;
Renate Bürger-Arndt, Katharina Meyer-Schulz, (Georg-August universität Göttingen) ;
Qing Li (Nippon Medical School) ;
Rodolphe Dodier (Aix Marseille Université, CNRS, Telemme, Lames MMSH) ;
David J. Nowak (US Forest Service) ; Matilda van den Bosch, John L. Innes, Olivia Sanchez-Badini, (University of British Columbia) ; Bianca Ambrose-Oji, Liz O’Brien (UK Forest Research) ; Benedict Wheeler (European Centre for Environment and Human Health) ;
Isabelle Bolon, Nicola Cantoreggi, Jean Simos, Rafael Ruiz de Castañeda (Institut de santé globale, université de Genève) ;
Jérôme Defrance, Philippe Jean, (Centre scientifique et technique du bâtiment, CSTB) ; Nicolas Barrière (Safran Landing Systems) ; Françoise Jabot, Anne Roué-Le Gall (université de Rennes, EHESP, CNRS, Arenes-UMR 6051) ;
Kjell Nilsson (University of Copenhagen) ; Peter Bentsen, Lærke Mygind (Steno Diabetes Center Copenhagen) ; Patrik Grahn (Swedish University of Agricultural Science) ; Marjo Neuvonen, Ann Ojala, Liisa Tyrväinen (Natural Resources Institute Finland, Luke) ; Katja Borodulin, Timo Lanki (National Institute for Health and Welfare – Finlande) ; Gerhard Mannsberger (ministère fédéral autrichien des Forêts).



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Rubrique humoristique et satirique de la forêt et du bois


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