La futaie régulière de chêne entre au patrimoine culturel immatériel de la France

Futaie cathédrale de chênes dans la forêt domaniale de Tronçais (crédit photo: Giada Connestari/Imagéo/ONF)
Futaie cathédrale de chênes dans la forêt domaniale de Tronçais (crédit photo: Giada Connestari/Imagéo/ONF)
La futaie régulière de chêne entre au patrimoine culturel immatériel de la France

La sylviculture régulière du chêne n’est pas seulement une affaire technique, environnementale ou économique. Sa dimension culturelle est désormais reconnue.

 

La futaie régulière de chêne vient trouver sa place parmi les savoirs et savoir-faire inscrits dans l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel de la France. Ainsi reconnu depuis le 8 juin 2022, ce mode de sylviculture rejoint, par exemple, le compagnonnage, le trait de charpente, le tournage sur bois ou encore la haie vive au Pays basque (zeralia) et la culture de la truffe noire du Quercy ou « truffe du Périgord » à Lalbenque (Lot).

Des arbres majestueux, un bois d’excellence

En corollaire, la futaie régulière de chêne, avec ses arbres longilignes et majestueux, dispose désormais de sa propre fiche d’inventaire, publiée par le ministère de la Culture.

« Ce savoir-faire consiste à faire pousser au sein d’une même parcelle des arbres d’âges sensiblement identiques et de dimensions voisines, pendant un à deux siècles. Les années passent et les paysages varient dans la futaie, du jeune semis à la forêt cathédrale […]. Ces arbres sont la promesse d’un bois d’excellence qui alimente de nombreux savoir-faire artisanaux et l’art de vivre à la française »,

décrit la fiche d’inventaire.

Yves Ducos est à l’origine du projet. Cet ancien directeur territorial de l’Office national des forêts (ONF) Centre Ouest Aquitaine, passé depuis chef de l’inspection générale de l’établissement, détaille la pratique forestière en question :

« Ce sont, le plus souvent, des forêts qui se renouvellent par régénération naturelle, avec des coupes progressives et une notion de couvert continu. Par exemple, dans un peuplement de 200 ans arrivé à maturité, il s’écoule 10 à 15 ans entre l’ouverture – les premières coupes qui favorisent la montée des semis et la régénération – et la coupe des derniers gros arbres ; à ce moment-là, les semis sont montés en hauteur et nous sommes en présence d’un jeune peuplement d’environ 15 ans. »

« Une longue tradition sans cesse renouvelée »

L’initiative comporte une dimension de transmission et de sauvegarde d’« une longue tradition sans cesse renouvelée », d’après l’expression d’Yves Ducos.

De plus, le patrimoine culturel concerne le grand public. La fiche d’inventaire contient un plan d’actions, passant par un travail sur le vocabulaire forestier avec l’aide de sociologues ou « une réduction de la taille des unités de gestion avec des contours moins géométriques, là où l’enjeu environnemental ou celui d’accueil du public est fort ». En parallèle, des travaux de recherche envisagent l’avenir du chêne, en misant sur la diversité génétique ou sur la migration assistée (comme cela fait aussi avec d’autres essences), dans le contexte du changement climatique.

Cette reconnaissance est le fruit de deux ans de travaux, menés sous la houlette d’Yves Ducos, avec l’appui de Benoît Généré, chargé de mission à la direction commerciale bois et services de l’ONF. Les deux copilotes se sont entourés d’un comité de partenaires*, à l’image des quelque 20 000 personnes liées à la pratique de la futaie régulière du chêne, « professionnels et artisans de la forêt, du bois, de la viticulture... », associations environnementales.

De plus, « nous avons reçu plus de 160 courriers individuels de soutien à la démarche, venant d’ingénieurs forestiers, de producteurs de vin ou de parquet, du plasticien Fabrice Hyber ou de l’actrice Juliette Binoche », précise Yves Ducos.

Et le patrimoine immatériel de l’Unesco ?

La futaie régulière de chêne au va-t-elle maintenant entrer au patrimoine immatériel répertorié par l’Unesco ? Yves Ducos répond :

« Pour franchir cette étape, il faudrait trouver d’autres structures partenaires dans d’autres pays et qui aimeraient voir reconnaître cette pratique, par exemple en Roumanie ou en Allemagne. »

Un franchissement du gué international, qui n’est pas au programme pour l’instant.

En France, cette pratique sylvicole couvre 500 000 hectares de forêts publiques, principalement domaniales, et, dans une moindre mesure, des forêts communales et des forêts privées, selon la fiche d’inventaire. Ce sont les chesnaies de Tronçais, Bercé ou Cîteaux, ou du bassin de l’Adour.

C. C./Forestopic

* Membres du comité des partenaires :
– Caroline Berwick, déléguée générale adjointe de la Fédération nationale du bois (FNB) ;
– François Calame, anthropologue et responsable de « Charpentiers sans frontière » ;
– Yves Ducos, chef de l’inspection à l’ONF et initiateur du projet ;
– Meriem Fournier, enseignante-chercheuse, présidente Inrae Nancy et Grand-Est ;
– Benoît Fraud, directeur commercial bois et services à l’ONF ;
– Hélène Genin, directrice technique de Château-Latour, Grand cru classé de Bordeaux ;
– Philippe Gourmain, secondé par Rousselin Jacques, experts forestiers indépendants ;
– Dominique Jarlier, président de la Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) ;
– Nathalie Jaupart-Chourrout, administratrice de l’association Humanité et Biodiversité ;
– Jean-Christophe Gavallet, président de l’association Sarthe Nature Environnement ;
– Jean-Bernard de Larquier, secondé par Jouannet Anne-Laure, respectivement président et directrice de l’association qui a élaboré le dossier « patrimoine culturel immatériel » du Cognac ;
– Vincent Lefort, président du syndicat des mérandiers de France ;
– Olivier Rousset, directeur général par intérim de l’ONF.