Où est l’argent frais pour la forêt et l’innovation?

Financer la filiere foret-bois
La construction bois peut contribuer à la régénération des forêts (crédit de l'illustration: Forestopic)
Où est l’argent frais pour la forêt et l’innovation?

Le ministère de la Forêt entend mobiliser 100 millions d’euros pour la filière dans l’optique de la loi de finances 2017. Un rapport met au jour les financements existants pour la forêt et le bois, y compris la recherche et l’innovation.

L’annonce de janvier dernier reste d’actualité. Stéphane Le Foll, ministre chargé de la forêt, manifestait sa volonté de mobiliser 100 millions d’euros pour le repeuplement forestier, mais avec des financements qui restaient en partie à trouver. Visiblement, le ministre cherche toujours. Le calendrier se précise néanmoins. Stéphane Le Foll déclarait, ce 9 mai 2016 :

« Pour la loi de finances 2017, il faut que l’on arrive à trouver le cadre qui nous permet d’atteindre l’objectif des 100 millions d’euros pour pouvoir assurer de manière sécurisée l’adaptation de la ressource aux grands enjeux de demain, en particulier celui du réchauffement climatique. »

Stéphane Le Foll s’exprimait lors de la présentation à la presse du rapport Plan recherche & innovation 2025. Filière forêt-bois. Ce rapport s’organise en deux parties. D’abord, il propose des axes thématiques de recherche et d’innovation pour la filière, que ce soit le recours aux sciences sociales, à la chimie du bois pour créer de nouveaux débouchés, ou à la robotique dans les travaux sylvicoles et la transformation du bois. Ensuite, le document passe au peigne fin les financements existants dans la filière forêt-bois.

Pour l’élaboration de ce rapport, le gouvernement a missionné Antoine d’Amécourt, président de Fransylva (forestiers privés) et du Centre national de la propriété forestière (CNPF), François Houllier, président de l’INRA, Pierre-René Lemas, directeur général de la Caisse des Dépôts et président du conseil d’administration de Bpifrance, ainsi que Jean-Claude Sève, président du FCBA, institut technologique de la forêt, du bois-construction et ameublement. Le quatuor s’est fait épauler par plusieurs dizaines de rédacteurs et personnes qualifiées.

200 millions d’euros de fonds publics en recherche-innovation

Partis en quête des financements publics consacrés à la recherche-développement et à l’innovation, les auteurs ont estimé que cette enveloppe totalise 205 millions d’euros en 2015 pour la filière forêt-bois. Une manne qui s’éparpille à travers moult dispositifs.

Financements publics pour la recherche et l’innovation dans la filière forêt-bois (2015)
– Europe (H2020, fonds structurels, Life…) : 5 M€.
– Ministères (Agriculture et Forêt, Environnement, Logement…) : 10,3 M€.
– Établissements publics de l’État : 110 M€.
– Aides directes non sectorielles (Ademe, Agence nationale de la recherche, programme « investissements d’avenir »…) : 22 M€.
– Crédit impôt-recherche (CIR) secteur forêt-bois : 54 M€.
– Régions : 4 M€.
Total : 205,3 millions d’euros.

La compensation carbone expérimentée

Les auteurs ne se hasardent pas au même exercice pour les financements privés. Toutefois, ils recensent 24 initiatives innovantes, soutenues ou non par des acteurs publics. Ce sont souvent de « premières tentatives de financement de “services environnementaux” », des expérimentations de la compensation carbone (bien que non reconnues par une certification internationale). Elles ont un point commun :

« Les dispositifs recensés visent presque tous l’amont forestier avec pour objectif principal d’apporter une aide au boisement et reboisement »,

note le rapport.

Certains de ces projets sont le fait de syndicats de sylviculteurs, à l’instar de la Société de développement de l’économie forestière (Sodef), qui propose des prêts à l’investissement à taux bonifiés, ou du Groupement des producteurs de bois du Sud (GPBS), où les propriétaires peuvent vendre des lots sur pied avant maturité (acompte sur vente future).

Le mécénat ou la responsabilité sociale de l’entreprise (RSE) constituent une autre source de financement. Le fonds « Plantons pour l’avenir » apporte une avance remboursable aux opérations de reboisement. Autre exemple, Reforest’Action propose notamment de recourir au financement participatif.

De nouvelles taxes proposées

Le rapport recherche-innovation recommande de pérenniser les fonds destinés au paiement pour services environnementaux. Certaines préconisations, basées sur le rôle que peuvent jouer les milieux forestiers pour la qualité de l’eau, en feront sursauter plus d’un, comme celle d’une taxe sur les bouteilles d’eau en plastique. Est aussi envisagée une nouvelle taxe sur les consommations d’eau ou sur « les entreprises de l’eau » qui prélèvent dans le milieu naturel, sans que l’on sache si les opérateurs publics, chargés du service d’eau potable, sont aussi visés.

Par ailleurs, la Caisse des Dépôts et sa filiale, la Société forestière, proposent deux pistes, que sont la structuration d’un marché à terme du bois et un système de vente anticipée du bois sur pied (une sorte d’avance sur les futures coupes). Pour cette dernière, la capacité des acheteurs, dont les scieries, à payer de manière anticipée resterait à étudier.

Bouteilles d'eau en plastique
La création de taxes sur l'eau ou sur les bouteilles d'eau est proposée (photo: droits réservés)

Des indicateurs pour mesurer les services écosystémiques

Le temps presse, si des actions concrètes sont à définir pour la loi de finances 2017. Elles nécessitent aussi des indicateurs qui permettent de mesurer ce qu’apporte la forêt. Comme l’a souligné le ministre Stéphane Le Foll :

« Si l’on veut innover en termes de financements, sur les aménités positives de la forêt, sur cette question de la biodiversité, sur ce que peut rendre comme services la forêt, il faut que l’on ait des indicateurs qui objectivent le débat. Le stockage du carbone, lié à l’arbre lui-même [voire] à son système racinaire, doit faire partie des futurs indicateurs. »

La construction bois pour financer la forêt

Une autre voie, de plus long terme, réside dans le décollage de la construction bois, alors qu’en amont, « le reboisement est en panne », hormis pour le pin maritime.

Selon le rapport :

« Un développement accéléré de la construction bois aurait des impacts significatifs sur l’ensemble de la filière, jusqu’au renouvellement des forêts. »

Ainsi considérée, la construction bois est l’avenir de la forêt.

Chrystelle Carroy/Forestopic

Pour aller plus loin :
Plan recherche & innovation 2025. Filière forêt-bois.
Allenvi, Inra, CNPF, FCBA, Caisse des Dépôts, 2016, 178 p.
Disponible en pdf.

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