Comment la filière forêt-bois peut devenir un fleuron économique pour l’Île-de-France

Assises régionales de la forêt et du bois en Île-de-France, le 16 juin 2017
Assises régionales de la forêt et du bois en Île-de-France, le 16 juin 2017 (photo: CC/Forestopic)
Comment la filière forêt-bois peut devenir un fleuron économique pour l’Île-de-France

Comment concilier la gestion des forêts et les attentes sociales ? Un pôle d’excellence sur le bois va-t-il naître à l’est de Paris ? Autant de questions abordées lors des récentes assises régionales de la forêt et du bois en Île-de-France.

 

« Une réunion voulue par la présidente Valérie Pécresse. »

Chantal Jouanno, vice-présidente de l’Île-de-France en charge de l’écologie et du développement durable, marque ainsi l’appropriation politique des assises régionales de la forêt et du bois, qui se sont tenues le 16 juin 2017, dans l’hémicycle régional, à Paris.

Une centaine de parties prenantes, entreprises, élus locaux, interprofession Francîlbois (France Bois Régions) et monde associatif, ont participé à ces assises. Complétées par des groupes de travail, elles doivent nourrir un rapport cadre que le conseil régional compte finaliser d’ici à l’automne 2017, en vue d’établir son plan de la forêt et du bois (PRFB) – copiloté par l’État et la région. La collectivité territoriale indique qu’elle consacre un budget d’un million d’euros par an à la filière forêt-bois.

De la forêt au bois, un lien à recréer

La forêt couvre 23 % de la région capitale, soit 280 000 hectares, des feuillus en grande majorité. Sa vocation sociale, récréative et touristique, s’affirme au gré des 100 millions de visites qu’elle reçoit chaque année, principalement dans les forêts domaniales qui représentent plus de 30 % des surfaces boisées. La forêt privée domine (66 % des boisements). Avec ses 12 millions d’habitants, la région constitue aussi un bassin de consommation pour le bois d’ameublement, de construction, d’emballage, de chauffage. Quelque 12 700 entreprises œuvrent dans la filière, soit plus de 50 000 emplois.

Or, entre la forêt et le bois, « le lien est rompu depuis au moins 40 ans », estime Étienne de Magnitot, président du centre régional de la propriété forestière (CRPF) Île-de-France – Centre-Val-de-Loire.

La forêt privée francilienne a certes enregistré une augmentation de 15 % des volumes de bois sortis en 2016. Mais, « les prélèvements de bois ne représentent que 20 % de l’accroissement biologique annuel », rappelle Éric Goulouzelle, directeur territorial Seine-Nord de l’Office national des forêts (ONF). « 40 % ! », corrige Étienne de Magnitot qui, au bois d’oeuvre facilement identifiable, ajoute le bois bûche, une « matière noire » de l’économie forestière, susceptible d’échapper dans les taillis sous futaies aux statistiques officielles.

Créer un fonds forestier régional (Ceser)

Les obstacles à l’exploitation forestière en Île-de-France sont connus, tel le refus des coupes rases par les populations ou l’émiettement de la propriété privée. Pour encourager la sylviculture, le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser) propose, dans un rapport de mars 2017, la création d’un fonds forestier ou d’un fonds carbone régional.

Tammouz Eñaut Helou, de la Fédération des entrepreneurs des territoires (FNEDT), ajoute au diagnostic :

« L’environnement urbanisé avec ses difficultés de circulation et l’absence de services logistiques, complique le travail des entrepreneurs de travaux forestiers. »

Le marché pourrait tirer la forêt. Mais pour produire quels bois et pour quels usages ? France Nature Environnement s’en inquiète déjà. Dominique Duval, la présidente régionale de FNE, s’interroge sur le développement des chaufferies bois :

« Aura-t-on la ressource suffisante sans dénaturer les boisements ou faire venir des plaquettes en camions d’autres régions ? »

Pierre Ducray, directeur de la coopérative forestière Nord Seine Forêt, invite à penser la forêt francilienne dans sa diversité :

« Une gestion différenciée et soucieuse des questions d’environnement implique de s’adapter à chaque particularité forestière. Il n’y a pas de solution unique. »

« Un espoir de faire renaître l’activité régionale de sciage »

Quant à la première transformation du bois, Anne Chain-Larché, vice-présidente de l’Île-de-France chargée de la ruralité et de l’agriculture, évoque « un espoir de faire renaître l’activité régionale de sciage en Île-de-France ». Car en 40 ans, les volumes sciés dans la région sont passés de 70 000 m3 à environ 2 000 m3, selon le Ceser.

« Scier du bois à 12 km de Paris est devenu impossible. L’urbanisation a pris le pas sur beaucoup de métiers liés à la nature, surtout sur des terrains à forte valeur ajoutée », évoque Dumoulin Bois sur son site Internet. L’entreprise, implantée dans le Val-de-Marne, a mis un terme à son activité de scierie en 1989, « la dernière de la petite couronne parisienne », et indique favoriser un réseau de petites scieries.

Du côté des industriels du papier-carton, du panneau de bois, des charpentiers et autres acteurs de la construction bois, 80 % des salariés de la deuxième transformation travaillent en fait au sein de sièges sociaux, relève le Ceser.

L’ONF veut en finir avec les coupes rases

Réconcilier les Franciliens avec tous les usages de la forêt reste un préalable à l’intégration du bois dans la stratégie économique régionale. L’ONF entend ainsi en finir avec les coupes rases dans la région. Il a entamé une conversion vers la futaie irrégulière.

Une « radicalité » qui fait bondir Nicolas Douzain-Didier, délégué général de la Fédération nationale du bois (FNB). Selon lui :

« Si toutes les forêts d’Île-de-France changent de sylviculture, moins de bois sera produit, et donc moins d’activité économique. Peser une telle décision forêt par forêt nous semblerait plus pondéré qu’une mesure uniforme sur le territoire. »

« Il n’y a pas de radicalité, mais du pragmatisme », répond Éric Goulouzelle.

Mieux communiquer avec la population

Pour ménager la sensibilité des usagers, Anne Cabrit, présidente de l’Agence régionale des espaces verts (AEV), mise sur un meilleur partage de l’information. Et de pointer les abatteuses et les grumiers dont l’effet est d’autant plus dévastateur sur l’opinion publique que les engins arrivent sans prévenir.

L’AEV a, de plus, mis en place des comités d’usagers de la forêt. Pour sa part, Éric Goulouzelle rappelle que l’ONF veut pendre la main sur l’organisation des chantiers, avec le développement des ventes de bois façonnés. Le directeur régional de l’ONF explique :

« Cela nous donnera la possibilité de mieux connaître les calendriers des chantiers et ainsi de mieux communiquer. »

Des peintres de Barbizon au bois des immeubles haussmanniens

L’art, la culture, la science, auraient pu être mieux représentés lors de ces assises. L’Île-de-France ne peut, par exemple, se départir de l’héritage des peintres impressionnistes de Barbizon, dont la conception de la nature se retrouve dans la création, à la fin du XIXe siècle, de réserves intégrales en forêt de Fontainebleau. Aujourd’hui, les forêts de Fontainebleau et du Gâtinais, classées comme réserve de biosphère par l’Unesco, bénéficient d’une attractivité touristique.

L’histoire s’est néanmoins invitée aux assises régionales. Georges-Henri Florentin, directeur général de l’institut FCBA, l’a relevé :

« Dans les immeubles haussmanniens, il y a plus de bois que dans les constructions actuelles, avec la structure en bois et, bien souvent, le parquet, les menuiseries, les escaliers. Si les constructions d’aujourd’hui comptaient autant de bois, nous n’aurions pas ces surstocks au niveau national, voire régional. »

Sans compter le quartier parisien du faubourg Saint-Antoine qui a longtemps incarné un temple des métiers d’art du bois, en particulier l’ébénisterie.

Une Cité du bois dans l’est francilien ?

Un nouveau pôle d’excellence pourrait naître à l’est de Paris. Le Ceser suggère de créer une « Cité du bois » autour de Marne-la-Vallée et Champs-sur-Marne. FCBA y est déjà implanté, ainsi que des champions académiques, comme l’École des ponts et chaussées ou celle d’architecture qui pourraient intégrer des chaires sur le bois. L’idée fait mouche auprès de l’exécutif régional. Et elle n’est pas pour déplaire aux établissements publics d’aménagement de Marne-la-Vallée, Epamarne et Epafrance, déjà engagés dans la construction bois. Francîlbois aurait alors à relocaliser ses locaux sur le territoire.

Chrystelle Carroy et François Delaunay/Forestopic

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