Alors qu’un plan de relance est en discussion et que les forêts françaises font face à la crise des scolytes, le Syndicat des exploitants de la filière bois (SEFB) entend contribuer aux débats et propose une refondation du métier d’exploitant forestier.
Lors de son allocution télévisée du 12 mars 2020 qui anticipait les répercussions du Covid-19 sur l’économie française, le président de la République appelait avec raison à une refonte en profondeur de notre économie. La filière bois – dont on connaît les pertes et les dysfonctionnements – et, au sein de celle-ci, les exploitants forestiers qui en constituent un maillon-clé doivent montrer l’exemple et ne pas hésiter à se remettre en question.
Déjà, face aux dégâts colossaux des tempêtes Lothar et Martin en décembre 1999 puis Klaus en janvier 2009, la filière bois avait pu mesurer le savoir-faire des exploitants forestiers pour trier, évacuer et tirer la quintessence des chablis qui recouvraient l’Hexagone.
Une disparition annoncée
Dix ans plus tard, alors que deux crises sans précédent – le Covid-19 d’une part et le scolyte d’autre part – nécessiteraient une même reconnaissance de leur capacité à se mobiliser, les exploitants-négociants voient leur métier remis en cause et leur existence même menacée. Sur les 3 000 exploitants, ayant trois salariés et plus en 2010, il en reste, aujourd’hui, 300, et ils seront moins d’une centaine à l’horizon 2030.
Cette disparition annoncée a plusieurs causes :
– le remplacement progressif par l’Office national de forêts (ONF) des ventes de bois sur pied au profit de contrats bord de route (principalement contrats d’approvisionnement) portant essentiellement sur les billes de pied destinées à la première transformation. Cette commercialisation de bois abattus – sans transparence de prix, ni quotas annuels maximum par entreprise – devrait atteindre dans les trois prochaines années, si l’on en croit les objectifs annoncés par l’Office, 50 % du volume issu des forêts publiques ; avec comme conséquence l’abandon en forêt de surbilles qui n’intéressent pas les transformateurs ;
– l’idée répandue chez de trop nombreux scieurs-exploitants à nos yeux qu’en se passant, pour leur approvisionnement, des exploitants-négociants, ils peuvent diminuer leur coût d’achat alors que la matière première représente moins de 30 % de leur prix de revient. A contrario, les priorités devraient être, selon nous, la recherche de gain de productivité, la valorisation des essences secondaires (frêne, hêtre, merisier, châtaignier…) achetées pour partie à l’étranger par la deuxième transformation* et le développement de produits à forte valeur ajoutée (débits sur liste personnalisés, par exemple) ;
– la labellisation par entreprise des chênes – issus aussi bien des forêts publiques que privées – qui interdit désormais aux acheteurs-transformateurs ayant le label UE de revendre à l’export les bois défectueux dont ils n’ont pas l’usage. Là encore, la labellisation par lot prônée par le SEFB garantirait aux scieries de disposer des meilleures qualités tout en assurant aux propriétaires privés, via la revente hors d’Europe des qualités secondaires, un revenu substantiel complémentaire permettant le reboisement en feuillus de leur forêt.
Un métier à rénover
Pourtant, l’avenir d’une filière bois confrontée à la fois à une dégradation de la ressource de feuillus (chêne notamment, voir article sur la production ONF) et à la multiplication des parasites (scolytes pour l’épicéa, chalarose pour le frêne, chenilles pour le chêne, nématode du pin…) passe par une réhabilitation du métier d’exploitant forestier qui doit lui-même se rénover en :
– imposant, comme norme d’exploitation applicable à tous ses acteurs, un objectif de valorisation de « 100 % de la ressource », à travers une approche globale incluant bois d’œuvre, bois d’industrie et bois énergie ;
– rétablissant le statut d’exploitant forestier qui inclura le respect d’une charte environnementale et comportementale intégrant la protection et le renouvellement des forêts et permettra d’écarter des ventes publiques les « traders » opportunistes ;
– renforçant localement les liens avec les petites et moyennes scieries aujourd’hui écartées de la ressource publique, à travers la création en régions d’observatoires de la récolte et la mise en place de réunions trimestrielles d’étalonnage entre les besoins et les bois mobilisables.
Cette incontournable rénovation nécessite enfin à nos yeux que le SEFB puisse siéger – en tant que représentant des exploitants-négociants** – au sein des interprofessions nationale (France Bois Forêt) et régionales (réseau France Bois Régions) – au même titre que les autres acteurs de l’amont (propriétaires publics et privés, coopératives, experts forestiers et entreprises de travaux forestiers) – et que notre syndicat – dont les adhérents mobilisent plus de 5 millions m3 de bois par an – soit partie prenante des orientations stratégiques de la filière bois ; condition indispensable pour renouer un dialogue constructif entre les différents maillons de cette filière et permettre son développement équilibré et harmonieux.
David Caillouel, président du Syndicat des exploitants de la filière bois (SEFB)
* Source : rencontre d’échanges parlementaire sur « L’enjeu de la filière chêne et des exportations d’une partie des ressources », du 9 mai 2018.
** Note de la rédaction : une procédure en justice est en cours à ce sujet.