Les scolytes continuent à sévir parmi les forêts d’épicéas. Une cartographie réalisée en deux temps délivre un dénombrement du coléoptère dans deux régions françaises. En parallèle, un outil collaboratif de signalement est en cours de déploiement.
Face à l’épidémie de scolytes touchant des forêts d’épicéas, le ministère de l’Agriculture vient de diffuser une cartographie, réalisée au printemps 2019. Elle complète un premier recensement, datant de fin 2018. Les deux diagnostics se focalisent sur les forêts du nord-est de la France (Grand Est et Bourgogne-Franche-Comté).
Télédétection avec les satellites européens
Les deux cartographies se basent sur un traitement d’images des satellites européens Sentinel-2. La première, portant sur début octobre 2018, a été réalisée par la plateforme Sertit (Service régional de traitement d’image et de télédétection, université de Strasbourg). La société Telespazio, implantée à Toulouse, a effectué la seconde, avec des images datées de fin février à début avril 2019, une période moins sujette aux nuages, donc plus optimale pour l’observation par satellite. L’ensemble montre une progression du phénomène.
Cette méthode de télédétection n’offre pas une représentation exhaustive toutefois. Il est des cas où les scolytes restent en dehors de son spectre, comme le souligne le ministère de l’Agriculture :
– au début de l’infestation, avant que le changement de couleur des houppiers ne soit détectable ;
– quand les foyers s’avèrent de taille insuffisante pour le satellite, dont la sensibilité ne va pas en deçà de 100 m2 ;
– quand les peuplements d’épicéas couvrent moins de 2 hectares d’un seul tenant, soit le seuil de la carte IGN qui sert à répertorier l’essence forestière ;
– quand des coupes sanitaires ont eu lieu avant la fin septembre 2018.
L’ensemble des deux cartes est disponible en ligne.
Quelles aides pour les forêts et le bois touchés une crise sanitaire ?
Le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) rend possibles des aides pour financer « la reconstitution du potentiel forestier endommagé par les incendies et autres catastrophes naturelles, y compris les évènements liés aux parasites, aux maladies et aux changements climatiques, ainsi que les évènements catastrophiques » (article 24 du règlement 1305/2013). Pour cela, les autorités du pays membre doivent reconnaître l’état de catastrophe naturelle. Elles doivent aussi constater que cette catastrophe ou les mesures prises « pour éradiquer ou contenir une pathologie végétale ou une infestation parasitaire ont provoqué la destruction d'au moins 20 % du potentiel forestier considéré ». Le risque de catastrophe, en matière de prévention des parasites et maladies, s’appuie sur des preuves scientifiques. Si des aides d’État interviennent, c’est de manière compatible avec le droit de la concurrence.
La région Grand Est prévoit d’instaurer un soutien aux entreprises pour l’achat de bois scolyté, sous forme d’avance remboursable, et d’adapter les aides aux peuplements forestiers en réduisant la surface éligible de 4 à 2 hectares.
Un outil collaboratif pour les relevés sur le terrain
Des relevés sur le terrain viennent compléter l’évaluation par satellite. Comme le présente Édith Mérillon, conseillère pour les affaires forestières auprès du directeur général de l’IGN :
« Nous avons proposé la mise en place d’un guichet scolytes qui est en cours de déploiement, afin de faire remonter de l’information géolocalisée, de la part de propriétaires forestiers, d’experts, de l’Office national des forêts, du Centre national de la propriété forestière, de coopératives, d’exploitants. »
Ce guichet collaboratif comprend une application mobile pour smartphone. L’outil permet de positionner les foyers de scolytes, en précisant le type et la structure du peuplement forestier, ou le stade d’évolution des scolytes.
Pièges à scolytes, simulation informatique
De plus, le département de la Santé des forêts a posé des pièges au printemps 2019, en vue d’observer l’émergence de ces insectes, creuseurs de galeries dans le bois ; les premiers envols de la saison se sont manifestés durant la seconde quinzaine de mars. Le département appelle à la vigilance à l’échelle d’un périmètre géographique élargi, notamment dans les pessières des Alpes, du Massif central, des Pyrénées.
D’autres méthodes existent. En Suisse par exemple, l’institut fédéral de recherches WSL propose un outil de simulation ; il nourrit sa cartographie d’une modélisation informatique à partir des données de températures, afin d’estimer les périodes d’envol des scolytes.
Chrystelle Carroy/Forestopic
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