Un plan national sur les espèces exotiques envahissantes

Mousse Campylopus introflexus en forêt domaniale d’Orléans, dispositif OPTMix
Mousse Campylopus introflexus en forêt domaniale d’Orléans, dispositif OPTMix (crédit photo: Yann Dumas/Irstea)
Un plan national sur les espèces exotiques envahissantes

Surveillance nationale, indicateurs de suivi, protocoles de gestion, sites pilotes, sont annoncés dans le cadre d’une stratégie française sur les espèces exotiques envahissantes.

 

Les espèces exotiques envahissantes constituent « l’une des principales menaces » pesant sur la biodiversité, selon la Convention sur la diversité biologique (CDB), traité international entré en vigueur en 1993. La France leur consacre une stratégie, publiée en mars 2017.

Ce plan d’action concerne les jardins, les espaces verts, les forêts, entre autres. Il vise, par exemple, le raisin d’Amérique (Phytolacca americana) qui nécessite, chaque année, des campagnes d’arrachage en forêt de Fontainebleau. C’est aussi la mousse étoile de bruyère (Campylopus introflexus) qui concurrence les bryophytes* autochtones.

Le plan français contre les plantes exotiques envahissantes se réfère à la CDB pour une action en trois volets : prévention, détection précoce pour empêcher qu’une espèce identifiée ne s’implante, confinement et maîtrise de long terme, lorsque l’éradication n’est pas possible.

Plans nationaux de lutte, indicateurs de suivi

Sur le volet de la prévention, des arrêtés ministériels sont annoncés, en vue de transposer en droit français la liste de l’Union européenne (règlement d’exécution 2016/1141 du 13 juillet 2016). La France se réserve la possibilité de soumettre, à la Commission européenne, l’ajout d’espèces invasives dans la liste communautaire.

Des plans nationaux de lutte sont à établir pour des espèces prioritaires. De plus, la stratégie prévoit un dispositif de surveillance couvrant la métropole et les outre-mer, ainsi que des indicateurs de suivi.

Qu’est-ce qu’une plante exotique envahissante ?
Les espèces exotiques envahissantes, ou espèces invasives, sont des animaux, des végétaux, des champignons ou des micro-organismes, qui ont été introduits en dehors de leur aire de répartition naturelle et qui portent atteinte à la biodiversité et aux services écosystémiques d’un milieu. La terminologie associée à l’invasion biologique s’avère mouvante, tout comme les listes des espèces concernées, lit-on dans le récent ouvrage sur les espèces d’arbres introduites dans les forêts européennes (Introduced tree species in European forests, European Forest Institute, 2016, disponible en ligne). L’ouvrage insiste aussi sur le fait que les migrations d’espèces sont un phénomène naturel, accentué par les activités humaines. Il rappelle que toutes les espèces introduites ne sont pas invasives.

Stratégie pour les zones Natura 2000, trames vertes et bleues…

La stratégie nationale invite les acteurs de l’aménagement à intégrer l’enjeu des invasions biologiques dans la gestion des territoires. Cela vaut pour les dispositifs tels que les trames vertes et bleues, les zones Natura 2000 ou même les sites industriels (installations classées pour la protection de l’environnement ou ICPE).

Les travaux de revégétalisation ou de reboisement figurent parmi les opérations pouvant conduire à l’introduction d’espèces exotiques potentiellement envahissantes. L’une des actions à mener, dans le cadre de la stratégie, consiste à :

« intégrer des obligations de bonnes pratiques (comme l’utilisation d’espèces indigènes) dans les réglementations sectorielles (installations classées pour la protection de l’environnement, aménagement, agriculture, forêt, etc.), les marchés publics, les mesures compensatoires. »

Un réseau de sites pilotes en projet

Afin de guider l’action, des protocoles et des guides de bonnes pratiques seront à élaborer, aussi bien pour les espèces nouvellement détectées que pour celles communément répandues. Des méthodes sont aussi à définir pour la collecte, le transport et le traitement des déchets animaux ou végétaux, après piégeage ou arrachage, dans une optique de maîtrise des coûts.

La stratégie appelle à poursuivre les recherches scientifiques sur le sujet, à créer un centre national de ressources, à développer la sensibilisation et la formation, y compris dans les programmes scolaires. L’établissement d’un réseau de sites pilotes doit fournir des retours d’expérience sur les méthodes de gestion.

« Fermer le robinet du commerce d’espèces envahissantes »

Cependant, la fédération d’associations FNE plaide pour une démarche plus globale :

« La stratégie n’aura aucune portée si le robinet permettant le commerce d’espèces exotiques envahissantes n’est pas fermé. »

Et de prendre l’exemple du tamia de Sibérie (Tamias sibiricus), « toujours en vente dans les animaleries et entre particuliers en tant qu’animal de compagnie ». Selon FNE, « en plus d’entrer en concurrence avec l’écureuil roux (Sciurus vulgaris), cette espèce est le réservoir des bactéries de la maladie de Lyme ».

La stratégie sur les espèces exotiques invasives devra aussi montrer qu’elle s’attire les subsides adéquats. La création d’un fonds d’urgence est envisagée, mais son financement paraît encore hypothétique.

Chrystelle Carroy/Forestopic

* Bryophytes : ensemble de végétaux (parmi lequel les mousses) dépourvu sauf exception de vaisseaux et de racine.

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