Reboiser avec le changement climatique

Reboisement douglas Luzette
Plantation de douglas Luzette dans le Morvan, avril 2016 (crédit photo: Laura Déon/Pépinières Naudet)
Reboiser avec le changement climatique

Pour tenir compte du changement climatique, les conseils d’utilisation des ressources génétiques forestières viennent d’être actualisés. Cette mise à jour porte sur 12 essences.

 

Pour mieux intégrer les risques climatiques et sanitaires émergents, une nouvelle mouture des fiches « Conseils d’utilisation des ressources génétiques forestières » vient de paraître.

Ces synthèses visent à « guider les sylviculteurs dans leurs choix de ressources génétiques, lorsqu’ils doivent renouveler leurs parcelles forestières », comme l’indique le ministère chargé des forêts.

Réalisée à la demande du ministère, cette mise à jour est coordonnée par l’Institut de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (Irstea) en lien avec les organismes de R&D dédiés à la forêt. Elle porte sur 12 essences (12 fiches), soit les principales espèces utilisées en reboisement en France.

Les fiches font notamment le point sur la sensibilité de chaque espèce d’arbre aux maladies et ravageurs, et sur les effets supposés du changement climatique, avec des conseils d’utilisation par sylvoécorégions et en fonction de l’aire de répartition de chaque espèce. Il en ressort des pistes sur le devenir des forêts françaises.

Pour le chêne sessile, difficile de faire un pronostic précis face au changement climatique, du fait « des incertitudes d’évolution du climat et des réactions » de cette essence.

Il en va autrement pour le chêne pédonculé. Ainsi, peut-on lire : « Plusieurs pathogènes exotiques bien identifiés font peser des menaces sur la chênaie européenne, avec des risques sans doute bien supérieurs, à court et moyen terme, aux risques liés aux changements climatiques. » Pour autant, il résiste moins bien à la sécheresse que le chêne sessile, mais « tolère l’engorgement permanent ».

Quant au hêtre commun, il craint la tempête. Son enracinement superficiel fait de lui un grand sensible au vent « en présence de dalles calcaires ou d’horizons compacts ou hydromorphes », précise la fiche dédiée. Là aussi, des organismes exotiques ou émergents pourraient assombrir l’avenir des hêtraies. De même que de moindres précipitations estivales et une hausse des températures.

La productivité, compromise par le changement climatique ?
Privilégier les arbres à forte croissance, donc plus productifs, peut être un objectif à suivre en sylviculture. Or, cette stratégie tient-elle face au changement climatique ? Rien n’est moins sûr. Des travaux en cours, menés par des chercheurs de l’INRA, tendent à établir que les arbres à croissance moyenne s’en sortent mieux en cas de sécheresse extrême. A contrario, au sein d’un même peuplement, les arbres à croissance rapide se montreraient moins résilients face à un tel stress hydrique.

Le sapin pectiné supporte mal les sécheresses et canicules estivales. Il y est même « moins tolérant que le hêtre avec qui il est souvent associé ». Les basses altitudes ? Très peu pour lui.

À l’inverse du hêtre, l’enracinement profond rend le mélèze d’Europe tenace face à la chaleur et à la sécheresse. Un autre de ses points forts est une bonne résistance à la cavitation, cette embolie des arbres par laquelle une bulle d’air peut se former dans un vaisseau en cas de stress hydrique. Rustique, le mélèze d’Europe appelle toutefois quelques nuances : « Il existe peu de modèles prédictifs d’évolution de l’aire naturelle et d’introduction potentielle pour le mélèze d’Europe. Le transfert de provenances alpines vers la plaine est à proscrire, mais les provenances d’Europe centrale réagissent mieux à ce transfert en plaine française. »

Issu d’un croisement entre le mélèze d’Europe et celui du Japon, le mélèze hybride fait preuve d’une « bonne plasticité environnementale » et d’une « probable capacité d’adaptation à un climat changeant ». Néanmoins, dans certaines stations, « on peut observer sur certaines variétés très vigoureuses dans le jeune âge des fentes longitudinales du tronc ».

Le douglas vert s’avère capable de poursuivre sa croissance lors des sécheresses modérées : « Il est possible que dans quelques décennies, le douglas vert puisse être utilisé à plus haute altitude qu’aujourd’hui, notamment au-delà de 1 000 m d’altitude ».

Le cèdre de l'Atlas devrait lui aussi monter en altitude. Les experts envisagent « son exclusion d’une part de plus en plus importante de la région méditerranéenne », en raison notamment de sécheresses estivales plus intenses et fréquentes. En parallèle, cet arbre à croissance plutôt rapide est susceptible de s’étendre à de nouvelles régions.

Les mises à jour portent aussi sur l’épicéa de Sitka, le pin maritime, le pin à encens, le pin sylvestre.

Toutes essences confondues, les fiches de synthèse sont accessibles sur le site du ministère de la Forêt.

La rédaction/Forestopic

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