Augmenter l’étendue des forêts, planter plus d’arbres en ville ou en agroforesterie, sont des orientations phares de la stratégie européenne sur la biodiversité. Bruxelles prévoit aussi de nouvelles lignes directrices sur la gestion durable des forêts.
La Commission européenne vient d’adopter sa nouvelle stratégie sur la biodiversité à horizon 2030, dans la lignée de son « pacte vert ». Bruxelles veut faire de « l’investissement dans la protection et la restauration de la nature » un jalon de la relance économique de l’Europe, dans le contexte de la crise du Covid-19 et du changement climatique.
Des forêts plus vastes et plus résilientes
Plusieurs orientations portent sur les milieux forestiers et boisés. L’Europe met le cap sur des forêts plus nombreuses et plus résilientes, afin qu’elles puissent jouer leur rôle en matière de biodiversité et de contribution à la bioéconomie circulaire (apport de matériaux, de produits et services).
La feuille de route sur la biodiversité prépare le terrain de la future stratégie forestière européenne. Elle projette la plantation d’au moins trois milliards d’arbres supplémentaires dans l’Union européenne (UE). La Commission encourage la plantation d’arbres en milieu urbain et en agroforesterie, et prévoit que les villes de 20 000 habitants et plus élaborent des « plans d’écologisation de l’espace urbain ». De plus, la pression exercée sur les milieux naturels par les espèces exotiques envahissantes est à mieux juguler.
Quelques échéances de la stratégie biodiversité de l’UE
2020. Publication de critères et orientations pour identifier et désigner des zones supplémentaires à protéger ; publication de travaux sur l’utilisation de biomasse forestière pour la production d’énergie.
2021. La Commission propose une stratégie européenne sur les forêts, ainsi que des objectifs contraignants de restauration de la nature (sous réserve d’une analyse d’impact). Elle publie des orientations liées à la durabilité du bois énergie.
2021. Proposition législative, accompagnée d’autres mesures, pour éviter ou limiter la mise sur le marché européen de produits liés à la déforestation ou à la dégradation de forêts, et pour promouvoir des importations et chaînes de valeur respectueuses des forêts – un champ qui relève aujourd’hui du règlement européen sur le bois (RBUE).
2021. Établissement de méthodes, normes et critères pour caractériser la biodiversité et les services qu’elle rend, notamment en vue de mesurer l’empreinte environnementale des produits et des organisations.
2024. Réexamen de la stratégie, évaluation des progrès notamment en matière d’extension de zones protégées et de corridors écologiques.
Reboisement, « sylviculture proche de la nature »
Bruxelles promeut une « sylviculture proche de la nature ». Les « pratiques respectueuses de la biodiversité », en matière de gestion forestière, y compris de boisement et de reboisement, doivent faire l’objet de futures lignes directrices.
Miser sur les plans de gestion des forêts, s’assurer que les moyens sont adéquats pour la lutte préventive et curative contre les feux de forêts, développer le système d’information forestière pour l’Europe, réduire au minimum l’utilisation d’arbres entiers utilisés en bois énergie, comptent parmi les objectifs européens.
La stratégie vise aussi une extension des zones protégées, par le biais du réseau Natura 2000 ou de dispositifs nationaux. Cela implique notamment de « définir, cartographier, surveiller et protéger strictement toutes les forêts primaires et anciennes encore présentes dans l’Union européenne », d’après le texte.
« Des concepts à clarifier »
Parmi les réactions, Eustafor, l’association européenne des forêts d’État, invite Bruxelles à clarifier ses concepts et à se baser sur les connaissances scientifiques. Cela vaut notamment pour les « forêts primaires et anciennes », ainsi que pour les objectifs de restauration de la nature.
Quant à la Confédération des propriétaires forestiers européens (CEPF), elle appelle à mener les travaux sur la gestion forestière durable dans le cadre de la stratégie forêt, et non en parallèle à celle-ci. Une approche qui doit, selon la Confédération, prendre en compte les spécificités des territoires, ainsi que le droit de propriété.
La Confédération européenne des industries du bois (CEI-Bois) redoute une focalisation restrictive sur la protection stricte. Son secrétaire général, Patrizio Antonicoli, commente :
« Nous considérons que la gestion active et durable de la forêt est une voie efficace pour prévenir la dégradation des forêts ; ceci devrait être mieux reconnu dans la stratégie. »
L’Organisation européenne des industries du sciage (EOS) accueille le nouveau système de surveillance des forêts comme un outil essentiel à venir. Aujourd’hui, souligne EOS, les acteurs privés disposent d’un accès limité à des données nationales, alors que les crises sanitaires (scolytes…), les évènements météorologiques, comme les stratégies des entreprises, dépassent les frontières des pays.
Diplomatie, gouvernance d’entreprise, recherche
La stratégie biodiversité comporte un volet diplomatique, par exemple autour de l’approche « une seule santé » (One Health), commune à l’ensemble du vivant. La France va-t-elle s’emparer du sujet ? Le président de la République, Emmanuel Macron, vient d’annoncer sa volonté d’organiser, le 11 janvier 2021, une rencontre sur la biodiversité à l’aune du Covid-19, un One Planet Summit, durant le congrès de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) programmé à Marseille, du 7 au 15 janvier 2021.
Protéger les écosystèmes permet de prévenir l'apparition d'épidémies comme celle du COVID-19. Pour mobiliser et agir pour la biodiversité, la France organisera le 11 janvier 2021 un One Planet Summit à Marseille, pendant le Congrès mondial de la nature de l’UICN.
— Emmanuel Macron (@EmmanuelMacron) May 22, 2020
L’exécutif européen entend, de plus, embarquer le secteur privé et prépare une initiative sur la gouvernance d’entreprise durable, ainsi qu’un réexamen des obligations de communication des sociétés, notamment sur les thématiques environnementales. De nouvelles dispositions s’annoncent, en matière de « marchés publics écologiques », favorisant des « solutions fondées sur la nature ».
Enfin, le futur dispositif Horizon Europe doit intégrer un programme de recherche stratégique sur la biodiversité.
C. C./Forestopic