Risque des feux de forêt: un appel à la mobilisation générale venu du Sénat

Les rapporteurs s’alarment de l’évolution du risque incendie (photo: droits réservés)
Les rapporteurs s’alarment de l’évolution du risque incendie (photo: droits réservés)
Risque des feux de forêt: un appel à la mobilisation générale venu du Sénat

Un rapport sénatorial émet 70 propositions pour « prévenir l’embrasement ». Une proposition de loi se prépare.

 

Au Sénat, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et celle des affaires économiques viennent de finaliser leur rapport commun Feux de forêt et de végétation : prévenir l’embrasement avec, pour rapporteurs, les sénateurs Jean Bacci (Var), Anne-Catherine Loisier (Côte-d’Or), Pascal Martin (Seine-Maritime) et Olivier Rietmann (Haute-Saône).

Ces travaux se soldent par 70 recommandations et doivent se prolonger par une proposition de loi à venir. Dans ce cadre, les rapporteurs prévoient de se rendre en Gironde, à l’automne 2022, en vue de tirer les enseignements des feux hors normes qui y ont ravagé plus de 20 000 hectares.

C’est une sorte d’appel à la mobilisation générale, en termes de prévention et de lutte, que lancent les parlementaires, face à l’évolution du risque incendie, avec son intensification, en particulier en zone méditerranéenne, et son extension géographique, ainsi que l’allongement de la « saison des feux ».

Doubler les moyens de la prévention

Pour les sénateurs, il faut doubler les moyens de la prévention, ce qui comprend l’aménagement de pistes de défense des forêts contre l’incendie (DFCI), la surveillance de la forêt, le contrôle des obligations légales de débroussaillement ou la sensibilisation. Ils demandent, par ailleurs, de revoir les sanctions, par exemple pour jet de mégots.

Les moyens sont aussi à renforcer :
– pour Météo-France ;
– pour l’Office national des forêts (ONF) en revenant sur les réductions d’effectifs, afin notamment d’étendre ses missions DFCI à toute la France ;
– pour le Centre national de la propriété forestière (CNPF), qui instruit les documents de gestion durable des forêts et accompagne les forestiers privés dans la gestion des parcelles ;
– pour la sécurité civile (avions bombardiers…), et pour les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) via la dotation de l’État, outre des mesures à prendre afin de favoriser le recrutement de pompiers volontaires.

De plus, une amélioration des connaissances est nécessaire, plaident les sénateurs, en termes de remontée des données ou de recherche forestière.

Quels financements ?

Une meilleure estimation de la « valeur du sauvé » (à laquelle se sont aussi intéressés les députés), ainsi qu’un chiffrage complet des services rendus par la forêt, peuvent contribuer à une approche économique de la prévention et de la lutte, selon le rapport.

L’indemnité de défrichement est à verser en totalité au fonds stratégique de la forêt et du bois (FSFB), et non dans la limite comme aujourd’hui de 2 millions d’euros. De plus, le Sénat veut que soit attribuée, à ce fonds, la recherche de synergies entre la desserte forestière et la DFCI. La réflexion englobe aussi les assurances, contre les risques incendie et tempête, et le compte d’investissement forestier et d’assurance ou CIFA (toiletté début 2022).

Sur le volet des financements, Christian Pinaudeau, ancien secrétaire général du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest (SSSO), avait notamment proposé, lors de son audition par la mission sénatoriale, d’augmenter la taxe de séjour, ainsi que la taxe additionnelle du conseil départemental sur la taxe de séjour, en vue de la réalisation d’aménagements anti-incendie (pistes, points d’eau…).

Une stratégie nationale à élaborer

De nature fiscale, juridique ou économique, les propositions sénatoriales portent aussi sur la politique forestière. Par exemple :

– élaborer une stratégie nationale et interministérielle alliant prévention et sécurité civile ; intégrer « de façon plus cohérente » le risque incendie dans le programme national de la forêt et du bois (PNFB), puis dans ses déclinaisons régionales (PRFB), et aussi, par ailleurs, dans les documents d’urbanisme, comme dans les chartes forestières ou les plans de gestion des aires protégées ;

– articuler les différentes politiques, ce qui peut conduire, à ce qu’« en cas de conflit entre la DFCI et la protection de la biodiversité, la première soit priorisée dans les zones particulièrement exposées au risque incendie ».

Débroussaillement et gestion forestière pour parer au feu

• Mieux appliquer les obligations de débroussaillement

À l’interface entre forêts et zones urbaines, interviennent les obligations légales de débroussaillement (OLD), encore trop peu respectées, soulignent les sénateurs. D’où les recommandations visant à informer les personnes concernées, à intégrer les périmètres OLD dans les documents d’urbanisme, à instaurer un crédit d’impôt lié à la réalisation de ce débroussaillement, à rendre obligatoire la franchise dans les contrats d’assurance d’habitation en cas de non respect des OLD.

• Miser sur la gestion durable des forêts

L’entretien de la forêt par la sylviculture est vu comme le « premier des pare-feu ». Pour la forêt privée, les sénateurs préconisent de faire passer de 25 à 20 hectares le seuil d’obligation d’élaboration de documents de gestion durable, ce qui concernerait 500 000 hectares supplémentaires. Ils proposent de permettre au préfet de région d’abaisser encore ce seuil, après avis de la commission régionale de la forêt et du bois.

Cela peut aussi impliquer d’adapter la certification (PEFC, FSC). De plus, la défiscalisation des investissements en forêt (dispositif « DEFI ») pourrait être pérennisée (sa prolongation est prévue) et élargie, et complétée d’un DEFI « assurance incendie » (seule l’assurance tempête ou tempête incendie, et non la seule assurance incendie, y donne aujourd’hui accès).

La mission prône la création d’un droit de préemption des surfaces forestières dénuées de document de gestion durable et présentant un enjeu en terme de DFCI, au profit des communes s’engageant à faire entrer ces parcelles dans le régime forestier.

• Prévoir des aides au reboisement post-incendie

Les reboisements post-incendie pourraient faire l’objet de nouveaux crédits dans le cadre du plan France Relance (une mesure à ce sujet est envisagée par l’exécutif). Le rapport invite à conditionner les aides publiques au choix d’essences adaptées, mais tout « en expérimentant notamment des corridors d’essences feuillues ».

Au final, les propositions pleuvent sur le risque incendie, après celles d’élus locaux ou celles de la «mission flash» de l’Assemblée nationale.

Chrystelle Carroy/Forestopic

Sur le même sujet : Une proposition de loi pour adapter les politiques publiques au risque des feux de forêt

Pour aller plus loin : Le rapport d’information Feux de forêt et de végétation : prévenir l’embrasement, août 2022, disponible en pdf.

Mis à jour le 11 août 2022.

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