La forêt noyée dans le budget de l’agriculture

La politique forestière se voit allouer quelque 276 millions d’euros en 2017 au titre de l’action 26 de la loi de finances
La politique forestière se voit allouer quelque 276 millions d’euros en 2017 au titre de l’action 26 de la loi de finances (crédit photo: Forestopic)
La forêt noyée dans le budget de l’agriculture

La politique forestière n’est plus singularisée par un programme budgétaire dédié. Elle se voit cantonner à une ligne de crédit. Avec un risque de dilution des financements.

 

Le programme 149 « Forêt » a disparu de la loi de finances pour 2017. Le secteur forestier se voit réduit, cette année, à une ligne de crédit (action 26) « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois ». Cette action 26 s’insère dans un nouveau programme 149 qui fusionne des actions forestières et agricoles sous l’intitulé « Économie et développement durable des entreprises agricoles, agroalimentaires et forestières ». L’État motive cette nouveauté par un souci affiché de simplification et de cohérence.

« Les crédits de la politique forestière ne seront plus protégés »

Avant même l’adoption de la loi, des parlementaires s’alarmaient d’un risque de dilution de la politique forestière. Dans un rapport de la commission des finances du Sénat, Alain Houpert et Yannick Botrel estiment cette évolution « regrettable ». Et d’ajouter :

« Les crédits de la politique forestière ne seront plus protégés par le principe de spécialité budgétaire. »

Les parlementaires Gérard César, Jean-Jacques Lasserre et Frédérique Espagnac, dans un rapport de la commission des affaires économiques du Sénat, se montrent tout aussi sceptiques. Ils pointent un manque de lisibilité et de stabilité :

« Malgré [la] bonne volonté affichée par le gouvernement, la réalité du financement de la forêt est celle d’un “stop and go” des crédits budgétaires et d’une “tuyauterie” assez compliquée puisqu’aujourd'hui c’est par le biais de la mission écologie et du fonds chaleur, géré par l’Ademe (l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) que transitent des sommes importantes allouées à la forêt. Ces crédits ne sont pas inscrits au budget de l’État. »

Une enveloppe prévisionnelle stable pour 2017

Dans la loi de finances 2017 (action 26), les autorisations d’engagement pour la filière forestière s’élèvent à 276 millions d’euros*, soit une enveloppe équivalente au programme « forêt » de 2016. Les documents préparatoires à l’examen de la loi détaillent la répartition envisagée des dotations.

L’enveloppe allouée à l’Office national des forêts (ONF) décline de façon marginale par rapport à 2016, ce qui est à compenser par les ventes de bois notamment, selon le contrat d’objectifs de l’établissement. L’Office se voit conforté dans la stabilisation de ses effectifs, outre la création de 50 emplois aidés en 2017. Il draine une majeure partie des fonds du programme 149, de l’ordre de 175 millions d’euros (sur un total de plus de 180 millions d’euros financés par l’État).

Le soutien gouvernemental pour le Centre national de propriété forestière (CNPF) s’oriente vers une baisse de 2 %. L’établissement se voit affecté 15 millions d’euros. Un complément de 340 000 euros est maintenu à l’identique, au titre du programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation », qui couvre la santé des forêts.

L’institut FCBA devrait, en 2017, voir ses moyens maintenus, dont environ 7 millions d’euros provenant de l’action 26.

Un fonds stratégique à 28 millions d’euros

Les 28 millions d’euros, promis par le ministre Stéphane Le Foll pour le fonds stratégique forêt-bois, correspondent aux montants annoncés pour 2017. Ceux-ci se partagent entre les soutiens aux investissements de la filière forêt-bois (création de dessertes, projets innovants…) et le volet « animation, études, recherche et innovation ». C’est presque le triple des sommes prévues en 2016.

« L’ambition d’un fonds stratégique doté de 100 millions d’euros demeure encore lointaine »,

notent Alain Houpert et Yannick Botrel.

Sans parler de l’appel de Mende, porté par le sénateur Philippe Leroy, en faveur d’un fonds stratégique à 150 millions d’euros pour financer le reboisement.

Au contraire, l’objectif des 100 millions d’euros paraît accessible, aux yeux des sénateurs Gérard César, Jean-Jacques Lasserre et Frédérique Espagnac. Il faut alors y intégrer le produit de taxes qui reviennent à ce fonds (dont la taxe de défrichement) et des cofinancements européens (Feader).

Aides post-tempête, restauration des terrains en montagne…

Le dispositif post-tempête Klaus continue à exister, mais les montants en jeu sont quasi divisés par deux. Une vingtaine de millions d’euros (en autorisations d’engagement) se destine à accompagner les propriétaires forestiers du Sud-ouest dans le nettoyage et la reconstitution des parcelles sinistrées par la tempête Klaus de 2009.

Les autres postes de ce budget « forêt » comprennent la restauration des terrains en montagne (RTM), la défense des forêts contre les incendies (DFCI), la lutte phytosanitaire, les procédures liées au classement en forêt de protection, ou encore l’achat de forêts par l’État, par exemple pour des opérations de désenclavement.

Près d’un tiers des financements publics de la forêt

Le programme 149 n’est pas la seule manne publique destinée à la forêt. Il y pourvoit à environ 30 % d’un total estimé à 910 millions d’euros par les sénateurs Alain Houpert et Yannick Botrel. Y contribuent également des mesures fiscales, ainsi que la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti, des financements de Bpifrance (programme « Investissements d’avenir »…), les dispositifs gérés par l’Ademe que sont le fonds chaleur et Dynamic Bois, ou encore les soutiens des collectivités territoriales.

Chrystelle Carroy/Forestopic

* Crédit voté (loi de finances initiale retraitée).

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