Grumes: le chêne des forêts publiques fait son entrée dans la contractualisation

Le groupe Ducerf, première scierie à contractualiser avec l’ONF pour le chêne en Bourgogne
Le groupe Ducerf, première scierie à contractualiser avec l’ONF pour le chêne en Bourgogne (crédit photo: Groupe Ducerf)
Grumes: le chêne des forêts publiques fait son entrée dans la contractualisation

Après le hêtre et les résineux, l’ONF lance la vente par contrat des bois de chêne au niveau national. C’est l’objet d’un accord avec la FNCOFOR et la FNB. Sans consensus.

 

Office national des forêts (ONF), Fédération nationale des communes forestières (FNCOFOR) et Fédération nationale du bois (FNB) signent, le 8 décembre 2016 à Paris, un protocole d’accord qui porte, entre autres, sur la commercialisation des bois issus des forêts publiques. L’une des nouveautés ? Renouvelé pour le hêtre et les résineux, le principe de la contractualisation s’étend au bois d’œuvre de chêne de qualité secondaire (catégories C et D). Cela exclut le haut de gamme, voué au tranchage ou à la tonnellerie.

Cette signature, initialement prévue en octobre, s’inscrit dans la lignée du contrat d’objectifs et de performance (COP) de l’ONF pour 2016-2020. Diverses parties prenantes viennent, de plus, de signer une charte sur la contractualisation.

Objectif à 100 000 m3

L’Office entend passer de 50 000 m3 à 100 000 m3 par an de bois de chêne commercialisés par contrat, dans les deux années qui viennent. Il s’agit d’étendre, au niveau national, des contractualisations expérimentées en Centre-Val-de-Loire et en Lorraine (région Grand Est).

Ces contrats s’étalent sur 1 à 5 ans. Une fois qu’ils sont conclus, les volumes et les prix entrent alors dans la confidentialité. L’accès aux données sur les prix reste l’un des points ouverts à la discussion.

La scierie Ducerf ouvre le bal

Le groupe Ducerf a ouvert le bal en Bourgogne, en nouant un contrat avec l’Office, le 24 novembre 2016. La mesure est encore « symbolique », jauge Jacques Ducerf, patron éponyme de cette société de 160 collaborateurs, pour 30 millions d’euros de chiffre d’affaires et six sites de production dans la première et deuxième transformation. Les volumes mis en contrat par l’ONF auprès de Ducerf se limitent à 200 m3, tandis que le groupe consomme 35 000 m3 de grumes par an. Aux yeux de Jacques Ducerf :

« Le contrat sur 1 an nous garantit une quantité et un prix, et nous donne une visibilité sur notre approvisionnement. Sinon, nous avons une incertitude sur les prix, à 10 ou 20 % près, ce qui rend difficiles les prévisions d’investissement. »

« Le sujet, ce n’est pas de faire baisser les prix »

L’expérimentation vaut pour l’ONF et aussi pour l’acheteur. Jacques Ducerf illustre :

« Ce contrat va nous permettre d’évaluer le type de qualités que l’ONF met à disposition. Le chêne a pour particularité l’hétérogénéité. Il ne produit pas le même bois, selon qu’il ait poussé en forêt de Tronçais ou dans le Morvan ; cela joue sur les caractérisations et, souvent, sur les prix. »

Et d’ajouter :

« Ce qui nous importe, c’est d’obtenir des bois dans toute leur longueur et d’opérer nous-mêmes la découpe et notre classement théorique sur le billonnage des grumes. Car chaque scierie a ses marchés et ses propres longueurs. »

Nicolas Douzain, délégué général de la FNB, prend les devants :

« Le sujet, pour les scieurs, est d’assurer leur approvisionnement. Ce n’est pas de faire baisser les prix. C’est le marché qui fait les prix. Ces contrats s’insèrent dans un ensemble de mesures qui viennent resserrer les liens entre l’amont [de la filière] et sa transformation. »

L’ONF constate une hausse de près de 30 % sur les prix des chênes de qualité secondaire en ventes publiques, ces deux dernières années. L’impact du coup de frein porté sur les exportations des grumes reste à évaluer.

Des craintes pour les petites scieries

Des acteurs de la filière bois craignent de voir les scieurs dépossédés d’une partie de leur savoir et de leur savoir-faire, ne serait-ce que celui d’appréhender la nature du sol où l’arbre a poussé.

Le Syndicat de la filière bois (SFB) fait partie des sceptiques. Il compte aujourd’hui, parmi ses adhérents, plus de 80 scieurs dont une vingtaine exerce aussi une activité d’exploitation forestière. Son vice-président, Charlie Mola, interroge :

« Les contrats vont bénéficier aux scieries les plus grosses et les plus modernisées, au détriment des plus petites. Pour un volume donné, combien d’emplois seront sauvés ? Des exploitants scieurs ont une activité de tri et de commercialisation ; ils envoient du bois de tonnellerie à un tonnelier et ainsi de suite pour les qualités qui ne sont pas exploitables pour eux. Avec la contractualisation, les exploitants scieurs vont être cantonnés à la scierie uniquement. »

En amont, stabiliser les débouchés et les revenus

En amont, il s’agit, pour l’ONF, de stabiliser les débouchés. Benoît Fraud, chef du département commercial bois au sein de l’établissement, analyse :

« Pour le chêne, le bois d’œuvre se trouve aujourd’hui face à une demande importante pour toutes les qualités. Nous n’avons pas toujours connu cette situation idéale. Il n’y a pas si longtemps, les qualités secondaires pouvaient rencontrer des difficultés à trouver des débouchés. »

Quant à la FNCOFOR, signataire du COP de l’ONF, elle incite les communes propriétaires de forêts à jouer le jeu. Comme le rappelle Yves Lessard, conseiller du président de la fédération :

« Les communes décident du mode de vente des bois de leurs forêts, que ce soit en bois sur pied ou en bois façonné, de façon traditionnelle, par exemple par appel d’offres, ou par contrat. Le contrat permet des entrées d’argent régulières, même si certains maires pensent qu’ils peuvent obtenir de meilleurs prix autrement. »

50 à 300 euros le m3

Quelque 20 à 30 entreprises sont susceptibles de convoler par ces nouveaux contrats avec le gestionnaire de forêts publiques. Ce sont, a priori, des clients déjà réguliers de l’ONF.

Les quantités contractualisées restent modestes pour le chêne. Elles comprennent des bois qui étaient jusqu’alors vendus façonnés, pour l’essentiel. « Le volume des bois vendus sur pied ne va pas diminuer », assure Benoît Fraud, de l’ONF.

Les bois de chêne de qualité secondaire se monnaient entre 50 et 300 euros le m3 (dont une infime partie, 2 %, peuvent aussi servir à la fabrication de merrains pour la tonnellerie). L’objectif de 100 000 m3 représente 10 % du chêne vendu par l’ONF à des fins de bois d’œuvre, toutes catégories confondues.

Chrystelle Carroy/Forestopic

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