Le grand charançon du pin sait se montrer vorace, quand il jette son dévolu sur de jeunes plants de résineux. Des projets de recherche se lancent, en vue de mettre au point des voies de prévention selon des méthodes « bio ».
Le programme de reboisement, issu du plan de relance, s’oriente notamment vers les résineux, aux côtés de feuillus et avec des objectifs de diversification des essences. Catherine Collet, responsable du pôle de recherche appliquée « Renouvellement des peuplements forestiers » (Renfor), copiloté par l’Inrae, AgroParisTech, l’Office national des forêts (ONF), émet une mise en garde :
« Dans le quart nord-est de la France notamment, le scolyte s’attaque principalement à l’épicéa. Si des résineux, comme le douglas, le pin, le mélèze, succèdent à l’épicéa, les conditions seront favorables à l’hylobe. »
Ceci dit, plusieurs projets du pôle Renfor et partenaires* viennent de se lancer, afin de limiter les dégâts dus à ce coléoptère, également appelé le grand charançon du pin. De nouvelles méthodes sont à mettre point, vu l’interdiction des néonicotinoïdes, en vigueur depuis septembre 2018.
Surtout que de précédentes expérimentations se sont avérées peu concluantes, comme l’expose Renfor sur son site Internet :
« Des solutions de lutte sont recherchées, notamment prophylactiques, comme l’instauration d’une période de jachère, ou le dessouchage. Cependant, la grande capacité de dispersion de l’insecte les rend peu efficaces. Des barrières physiques telles que des cires de protection ont également été testées, mais leur efficacité à court terme ainsi que leur coût élevé de mise en place en font des alternatives peu intéressantes. »
Par ailleurs, des applications chimiques seraient d’usage avec le Forester ; ce produit à base de cyperméthrine dispose d’une autorisation pour le « traitement des bois abattus » contre les insectes xylophages et sous-corticaux ; face à l’hylobe, « il n’est pas très efficace », selon la chercheuse Catherine Collet, le recours aux phytosanitaires demeurant marginal en forêt.
Un coléoptère vorace
L’hylobe pond dans les souches des arbres coupés ; il se développe aussi dans les racines d’arbres dépérissants. Adulte, il mord les jeunes plants, le plus souvent durant les deux premières années de la plantation. « Au-delà, la surface d’écorce du plant est suffisante pour éviter sa mort en cas de morsures, du moins lorsque sa croissance est normale, précise le département de la Santé des forêts. […] Les petits plants, en particulier les plants en motte de 1 an, sont beaucoup plus vulnérables que les grands plants de 2 voire 3 ans. » D’après la même source, quelques jours peuvent suffire au coléoptère pour venir à bout d’un reboisement effectué après une coupe rase de résineux, tandis que la régénération naturelle est moins propice à une telle expansion pour des questions de densité du futur peuplement forestier.
Adapter la gestion forestière, tester des répulsifs naturels
- Le projet Luthyl vise à caractériser des types de culture forestière efficaces pour endiguer les ravages causés par l’hylobe, tout en restant soutenables en termes de gestion et de modèle économique. En parallèle, Luthyl a pour mission d’améliorer les connaissances sur les conditions de développement de l’insecte. Le programme reçoit des financements de l’interprofession France Bois Forêt (FBF) et du ministère de l’Agriculture.
- Le projet Protehyl mise des répulsifs d’origine naturelle et la façon dont la gestion forestière pourrait les intégrer, avec des financements du plan Ecophyto 2+ et de l’Office français de la biodiversité. En particulier, il s’agit de tester in situ le salicylate de méthyle (MeSa) présent dans les bouleaux. Sont aussi à investiguer l’influx de mécanismes de défense chez les arbres voisins et l’attraction exercée sur des prédateurs des ravageurs.
Protehyl a été labellisé par Xylofutur, pôle de compétitivité des produits et matériaux des forêts cultivées.
- Le projet Regiowood II sur la gestion durable des forêts privées comporte un volet sur l’hylobe, pour transposer des dispositifs de Protehyl et de Luthyl en Lorraine et en Wallonie. L’initiative entre dans le cadre du programme européen transfrontalier Interreg V A Grande région.
D’autres variantes territoriales sont au programme pour la Bourgogne-Franche-Comté et la Nouvelle-Aquitaine, avec des soutiens des deux conseils régionaux concernés (et de FBF « pin maritime » pour la Nouvelle-Aquitaine).
Chrystelle Carroy/Forestopic
* Partenaires : Inrae Nancy et Bordeaux, institut FCBA, département de la Santé des forêts, Institut européen de la forêt cultivée, ONF, Centre national de la propriété forestière (CNPF), Maison de la forêt (Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest), Société forestière (groupe Caisse des Dépôts), Groupe Coopération forestière, syndicat des pépiniéristes SNPF, union des entreprises du paysage Unep, et trois organisations belges, l’université catholique de Louvain, le Centre de développement agroforestier de Chimay, Ressources naturelles développement.
Mis à jour le 28 mai 2021