Plan d’actions pour les bois de crise: une approche globale, sans budget annoncé

Surfaces cumulées de dégâts dus aux scolytes d’épicéas et de sapin, entre 2018 et 2022. Données : Inrae, DSF et Theia, récoltées par télédétection. Carte IGN.
Surfaces cumulées de dégâts dus aux scolytes d’épicéas et de sapin, entre 2018 et 2022. Données : Inrae, DSF et Theia, récoltées par télédétection. Carte IGN.
Plan d’actions pour les bois de crise: une approche globale, sans budget annoncé

Le plan sur les bois de crise remet au goût du jour des initiatives existantes. Il s’accompagne de subventions pour prévenir la dissémination des scolytes en forêt et pour reconstituer les parcelles sinistrées. Un nouveau rapport est attendu.

 

Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau, s’est rendu à Poussay, près de Mirecourt, dans les Vosges (Grand Est), ce lundi 15 avril 2024, notamment pour y présenter un plan national d’actions « scolytes et bois de crise ».

Déjà évoqué par le ministre, ce plan se veut une réponse, pour le court terme, aux 37 millions de m³ de bois malades recensés depuis 2018, dont 22 millions de m³ d’épicéa et 15 millions de m³ de sapin infestés dans le grand quart nord-est de la France, suite à des vagues de sécheresse et de chaleur ayant affaibli les arbres. Ces flux ont déjà fait l’objet d’aides publiques par le passé, sous la forme d’un dispositif de soutien à la mobilisation et au transport des bois. Les régions ont également débloqué des subventions, par exemple par le Grand Est, pour le stockage.

Le plan s’inscrit aussi, pour le plus long terme, dans une logique de gestion de crise.

Les forêts et 140 scolytes
Les scolytes regroupent environ 140 espèces de coléoptères en France. C’est le typographe de l’épicéa ou le curvidenté du sapin. Le scolyte de l’épicéa gagne du terrain dans l’Hexagone, depuis 2018. D’abord remarqué en plaine, l’insecte est ensuite monté en altitude pour, selon le ministère de l’Agriculture, « atteindre désormais, depuis 2023, les zones naturelles de l’épicéa en montagne ».

La feuille de route met l’accent sur les résineux, quoique les feuillus soient aussi concernés, a souligné Marc Fesneau. Le plan s’organise en quatre axes, sans enveloppe budgétaire annoncée.

  1. Renforcer l’observation et la diffusion des connaissances

Il est prévu de consolider le département de la Santé des forêts (DSF), dans le cadre de l’observation et détection précoce des foyers de scolytes, ainsi que de la diffusion des connaissances sur l’état sanitaire des forêts.

De plus, l’Observatoire des forêts, lancé en 2023 par l’IGN, enrichit ses contenus sur la santé des forêts, notamment avec des cartographies (illustration ci-dessus).

  1. Une stratégie collective de lutte contre les scolytes

Pour ce qui relève de la gestion forestière, le plan « bois de crise » renvoie vers le Guide de gestion des forêts en crise sanitaire. La deuxième édition du guide est parue en 2020. La première (2010) est disponible en téléchargement.

En outre, le ministère de l’Agriculture annonce des aides à l’acquisition de kits d’écorçage, « permettant à toutes les entreprises propriétaires d’abatteuses et réalisant de l’exploitation forestière mécanisée d’être aidées à hauteur de 65 % du prix d’achat du matériel, dans la limite de 8 000 euros d’aides par unité achetée ». Le matériel d’écorçage, fixé sur une tête de bûcheronnage existante, vise à équiper les machines forestières, en vue d’éradiquer les scolytes qui se développent sous l’écorce des arbres.

De façon plus générale, la cellule nationale de gestion de crise, créée en 2020, doit être pérennisée et se réunir au moins une fois par trimestre. Des cellules régionales peuvent aussi se créer, sur demande des représentant locaux de la filière forêt-bois, en concertation avec les services de l’État (Draaf).

  1. Valorisation des bois contaminés et reconstitution des forêts

• Le gouvernement veut encourager la valorisation des bois touchés par les scolytes :

– en faisant mieux connaître les possibilités d’utilisation dans la construction. « Quand ils sont identifiés précocement et abattus au bon moment, les bois scolytés sont tout à fait aptes à la construction, seule une légère coloration bleue pouvant parfois constituer un défaut visuel », rappelle le ministère, mettant en exergue le guide publié, fin 2023, par l’Office national des forêts (ONF) et la fédération des communes forestières (FNCOFOR). L’institut FCBA a aussi réalisé un rapport sur le sujet ;

– en facilitant la valorisation énergétique des bois secs (sapin sec, ainsi que sapin ou épicéa scolyté). Les centrales à biomasse ayant bénéficié d’une aide publique* peuvent ainsi élargir leur bassin d’approvisionnement. En regard, un régime d’autorisation, qui reste à préciser, bénéficie aux fournisseurs de bois énergie forestier. La dérogation concerne aussi la part minimum imposée de bois certifié PEFC ou FSC. Le tout s’applique, pour 18 mois, aux plaquettes forestières provenant de Bourgogne-Franche-Comté, du Grand-Est et d’Auvergne-Rhône-Alpes, ainsi que de communes listées par le ministère.

Les débouchés papetiers sont absents du plan, bien que la fédération du secteur, Copacel, ait pointé des difficultés d’accès à la ressource.

 • Quant à la reconstitution des forêts sinistrées, les propriétaires forestiers concernés bénéficient déjà, certes, des aides du plan de relance du renouvellement forestier.

Le ministère annonce la création d’un « bonus », en vue de faire passer de 80 % à 100 % le taux d’aide maximum pour les forêts sinistrées, « comme autorisé par la réglementation communautaire ». Parmi les critères pour en bénéficier : « Seuil minimal de coupe ou coupe présentant des risques avérés en termes de sécurité, proportion de bois de crise supérieure ou égale à un certain seuil au regard de la coupe, critères en termes d’essences – sapin sec, sapin scolyté, épicéa scolyté – et de provenance ».

  1. Des études et de la sensibilisation

Une mission d’inspection** est au programme « pour étudier la préparation de la filière forêt-bois et les besoins d’accompagnement en lien avec les crises sylvicoles ». Parmi les thématiques à explorer, figurent les risques dits naturels et leurs combinaisons, les aides publiques, les politiques des assurances (par exemple, Groupama s’est intéressé aux scolytes), la mutualisation des risques, la valorisation des bois, leur éventuel stockage sous forme de produits semi-finis (au lieu des grumes sous aspersion, elles-mêmes questionnées en cas de tensions sur la ressource en eau).

D’autres études ou travaux peuvent être menés avec des soutiens du fonds stratégique forêt-bois (FSFB) ou de l’interprofession France Bois Forêt (FBF).

Enfin, les crises sanitaires sont susceptibles de bouleverser les paysages forestiers, d’où la nécessité identifiée d’une communication envers le grand public.

C. C./Forestopic

* Aides des programmes « Biomasse chaleur, industrie, agriculture et tertiaire » (BCIAT),  Biomasse chaleur pour l'industrie du bois » (BCIB), et du fonds chaleur de l’Ademe.

** Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), Inspection générale des finances (IGF), Inspection générale de l’environnement et du développement durable (IGEDD).

Reproduction interdite sans autorisation écrite préalable.