Deux forêts jardinées lauréates des premiers Sylvotrophées dans le Haut-Jura

Les Sylvotrophées 2017 ont récompensé la gestion de deux parcelles forestières, l’une privée, l’autre publique
Les Sylvotrophées 2017 ont récompensé la gestion de deux parcelles forestières, l’une privée, l’autre publique (crédit photo: Léo Poudré/PNRHJ)
Deux forêts jardinées lauréates des premiers Sylvotrophées dans le Haut-Jura

Le parc naturel régional du Haut-Jura lance un concours pour récompenser la gestion multifonctionnelle des forêts. Une initiative qui a vocation à essaimer ailleurs en France.

 

Le parc naturel régional (PNR) du Haut-Jura vient d’organiser ses premiers Sylvotrophées. Cette édition 2017 a pris pour thème « futaies jardinées d’altitude ». Elle distingue deux lauréats, la sapinière jurassienne de la Crochère, ainsi que la forêt communale de Châtel-de-Joux et son gestionnaire, l’Office national des forêts (ONF). Chaque nominé s’est vu remettre, en guise de trophée, une sculpture de bois et de verre réalisée par un artisan local.

Composée de sapins blancs et d’épicéas, la parcelle privée de la Crochère couvre 15 hectares sur la commune de Châtel-de-Joux. Elle se situe à 900 mètres d’altitude. La Crochère appartient au groupement forestier de la région des Lacs. Son gestionnaire, la société Travaux Gestion Valorisation forestière (TGVF), est lui aussi destinataire de ce prix qui honore la qualité de la gestion forestière.

Gestion patrimoniale, sylviculture discrète…

Gérée depuis 1885, la forêt privée de la Crochère se voit primée pour sa « gestion patrimoniale de longue date », marquée par un « lien fort » entre propriétaires et gestionnaires, ainsi que son « jardinage optimal » appuyé sur une connaissance fine du peuplement et une « remise en question permanente », selon le dossier du jury – la futaie jardinée, ou sylviculture irrégulière, fait se côtoyer des arbres d’âges différents sur une même parcelle. Entrent aussi en compte « la discrétion et la qualité des interventions », et un « sentiment de nature, malgré le fort investissement humain ».

La forêt de la Crochère, une histoire de famille
L’histoire de la forêt de la Crochère est aussi celle de la famille d’Henri Jobez, ingénieur des Mines qui aura légué, à ses enfants et petits-enfants, un patrimoine foncier de 1 003 hectares. C’est aussi la transmission d’une culture forestière qui est en jeu, afin de survivre au temps et d’assurer une cohésion générationnelle. Le gestionnaire Jean-Marc Roman y voit la traduction d’un principe bien connu des initiés : « La gestion forestière est un exercice pour penser le temps longs. » C’est aussi un certain Henri Jobez qui imagina « un compteur enregistrant le diamètre des arbres sur pied », médaillé lors de l’Exposition de 1900, comme le relate le Bulletin de l’Association des anciens élèves de l’école des mines de Paris (1931).

Dans la forêt publique de Châtel-de-Joux, propriété de la commune depuis 1734, la parcelle lauréate comprend 9 hectares. Elle s’est fait notamment remarquer pour sa « futaie jardinée équilibrée » (essences, capital sur pied…), et également pour « la qualité et la discrétion des interventions sylvicoles ». Le jury note aussi une « mosaïque d’habitats avec l’expression des cortèges végétaux caractéristiques », le tout dans une « parcelle très accueillante ».

La multifonctionnalité des forêts récompensée

Au PNR du Haut-Jura, à cheval sur les régions Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté, Carole Zakin commente :

« Nous récompensons l’équilibre entre les trois grandes fonctions de la forêt, la production, la dimension sociale et l’environnementale. »

Les Sylvotrophées mettent en lumière la qualité de l’intervention des forestiers dans le façonnage de la forêt. Le jury, composé de six tenants de la filière forêt-bois, de l’écologie et du tourisme, a eu à départager dix candidates, soit sept parcelles forestières privées et trois publiques. L’appréciation du jury s’appuie sur une grille de critères élaborée avec plusieurs partenaires, dont Irstea, l’ONF ou le centre régional de la propriété forestière (CRPF). Les organisateurs ne renient pas, cependant, une part de subjectivité.

Un outil de communication et de vulgarisation

Les Sylvotrophées n’ont pas la prétention de fournir un classement normatif. Axel Péric, le nouveau chargé de mission forêt et grand tétras du PNR, explique :

« C’est avant tout un moyen de créer l’évènement et de parler de sylviculture autrement, comme aussi de faire se rencontrer les différentes parties prenantes de la forêt. »

Le concours est conçu comme un moyen de communication et de vulgarisation, dont le modèle de référence est le concours des prairies fleuries*. Lancé en 2010 par le PNR du Haut-Jura et le PNR du massif des Bauges, le concours des belles prairies s’est, en 8 ans, étendu en France, multipliant les occasions de parler, dans la presse et dans les écoles, de la biodiversité et de la relation homme-nature.

Ce concours forestier, initiative locale, a vocation à se généraliser. Les trophées ont été précédés de la création d’un groupe de travail inter-parcs. « Les discussions sont en cours avec plusieurs des PNR de la région Grand Est et du Massif central », annonce Alex Péric qui ne sous-estime pas, cependant, les difficultés méthodologiques d’un tel prolongement. L’occasion de mettre en lumière l’art de modeler les forêts.

F. D. et C. C./Forestopic

* Le concours des prairies fleuries vient de changer de nom et se nomme dorénavant Concours des pratiques agro-écologiques – prairies et parcours.

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