35 projets innovants pour la forêt soutenus par le gouvernement

Verger à graines de clones de pin à encens (pin taeda), Virginia Department of Forestry, Virginie, États-Unis d’Amérique
Verger à graines de clones de pin à encens (pin taeda), Virginia Department of Forestry, Virginie, États-Unis d’Amérique (crédit photo: Jean-Yves Fraysse/FCBA)
35 projets innovants pour la forêt soutenus par le gouvernement

Le ministère de l’Agriculture vient de dévoiler les 35 lauréats de l’appel à projets sur l’amont forestier, lancé fin 2016. Tour d’horizon.

 

Le ministère français chargé de la forêt va soutenir 35 initiatives, suite à l’appel à projets « innovation et investissements pour l’amont forestier », lancé en décembre 2016. Le panel comprend 29 projets régionaux et six nationaux.

L’enveloppe globale annoncée à 15 millions d’euros, sur 3 ans maximum, revient donc à une aide moyenne de près de 430 000 euros par projet. Certains y verront du saupoudrage, d’autres un foisonnement d’innovations tel que restreindre la sélection eut été inconcevable.

Exosquelettes, exploitation forestière mécanisée

En nombre de projets lauréats, les centres régionaux de la propriété forestière (CRPF) remportent le gros lot. Ils conduisent sept programmes collaboratifs, sur les procédés de transformation du douglas en Bourgogne-Franche-Comté, sur le peuplier en régions Île-de-France et Centre-Val-de-Loire, ou encore le chêne vert en Occitanie.

Les chefs de file des projets retenus comprennent aussi l’INRA (cinq projets dont trois nationaux), l’ONF, Office national des forêts (trois projets en Nouvelle-Aquitaine, Guyane et Guadeloupe), les coopératives forestières pour deux projets, Groupe Coopération forestière (GCF) sur le douglas, et Alliance Forêts Bois, sur l’exploitation mécanisée des feuillus.

Plusieurs projets ont pour pilote des organisations professionnelles (Nord Picardie Bois, Biomasse Normandie, Comité de développement forêt bois Aquitaine – Codefa…), des entreprises, comme ABC (sur l’exploitation forestière par câble-mât en Corse) et Vigneau Matériel forestier. Ou encore Exhauss qui annonce des exosquelettes pour le travail en forêt, ces « structures mécaniques qui doublent celle du squelette humain et lui confèrent des capacités physiques qu’il n’a pas ou plus », explique la marque de la société L’Aigle, fabricant français de stabilisateurs de caméras, sur son site Web.

Ressources génétiques, modernisation des pépinières

Le réseau mixte technologique RMT Aforce prépare Esperense, un « réseau national multipartenaire d’évaluation de ressources génétiques forestières pour le futur ». Autre exemple, l’INRA-Orléans s’est porté candidat pour une action de sécurisation de l’approvisionnement en matériel forestier de reproduction (graines et plants), dans un contexte de changements globaux.

Le Syndicat des pépiniéristes forestiers (SNPF) mène un projet pour l’adaptation de ses membres, soit 22 producteurs de plants, d’une part au changement climatique (modernisation de l’irrigation, économies d’eau) et d’autre part à la recherche de substituts aux produits phytopharmaceutiques pour l’entretien des cultures, des sols et des abords des pépinières. Un autre volet porte sur la protection biologique des plants forestiers contre l’hylobe. Selon le département de la Santé des forêts, ce charançon n’est rien de moins que le « plus important ravageur des reboisements résineux dans leurs premières années » en France. Évalué à 2 millions d’euros sur 3 ans, le projet s’appuie sur un partenariat avec deux structures du réseau Astredhor (Institut technique de l’horticulture).

Du pin à l’encens made in France

Des graines de pin à l’encens made in France ? C’est ce à quoi doit aboutir une action conduite par Pépinières Naudet Préchac, d’un total de 350 000 euros. Le pin à l’encens (pin taeda) est la cinquième essence de reboisement dans le pays, avec des potentiels identifiés pour la filière bois. Mais, ses plants proviennent de graines d’Amérique du Nord et les importations en sont suspendues depuis 2007, du fait de la présence d’un champignon pathogène, le chancre suintant du pin (Gibberella circinata). L’enjeu ? Selon Vincent Naudet, gérant de Pépinières Naudet Préchac :

« Nous avons la volonté de sécuriser les approvisionnements de nos clients avec des graines de la meilleure qualité génétique possible. »

Les partenaires projettent de :
– convertir des peuplements, découlant de graines importées, pour créer deux vergers à graines de famille. Cela signifie de « réaliser une éclaircie génétique en ôtant les arbres les moins bien conformés », précise Vincent Naudet ;
– et créer deux vergers à graines de clones, issus de tests de descendance.

Parmi les partenaires, la Société forestière (Caisse des Dépôts) va héberger des vergers à graines dans le massif landais (Nouvelle-Aquitaine). L’ONF va en récolter les semences, les traiter en sécherie et les mettre à la disposition des pépiniéristes, dont les participants au projet, Pépinières Naudet et Le Plant landais.

Une base de données sur la densité du bois

Dans le massif landais également, un projet du Syndicat des sylviculteurs du Sud-Ouest (SSSO), allié à l’ONF et à l’IGN, vise à mieux qualifier la ressource forestière, en particulier le volume de bois sur pied, canton par canton, et donc la capacité de mise sur le marché. Qu’il s’agisse de pin maritime ou de peuplements en mélange. Pour cela, des modèles numériques de hauteur de canopée de l’IGN et des données de télédétection (Lidar aérien) doivent servir à dresser une cartographie, doublée d’un recensement annuel des coupes rases grâce aux images satellite. Le tout pour un budget évalué à 173 000 euros TTC.

La connaissance de la ressource est aussi au centre de XyloDensMap. Cette initiative INRA-IGN, avec l’université de Lorraine, vise à établir une base de données sur la densité du bois pour la France métropolitaine. Un scanner médical du plateau Xylosciences de l’INRA doit analyser 30 000 carottes de sondage par an, récoltées par l’IGN lors de l’inventaire forestier. Coordonné par Jean-Michel Leban, directeur de recherches à l’INRA, le projet mobilise une centaine de personnes, en vue de mesurer la densité du bois, le stock de carbone, son accroissement, et les variations de cette biomasse en fonction des essences, du type de gestion forestière ou de la localisation (altitude, conditions climatiques, type de peuplement forestier…). Un second volet associe la Fédération nationale du bois (FNB) pour dresser une cartographie de l’ensemble et des fiches documentaires. À 1,3 million d’euros, le projet reçoit une aide confirmée par le ministère de 565 000 euros.

Armoire à carottes du projet XyloDensMap. Le scanner médical peut traiter six paquets à la fois. Chaque paquet renferme 17 boîtes pouvant elles-mêmes contenir jusqu’à 17 carottes chacune (photo: droits réservés)
Armoire à carottes du projet XyloDensMap. Le scanner médical peut traiter six paquets à la fois. Chaque paquet renferme 17 boîtes pouvant elles-mêmes contenir chacune jusqu’à 17 carottes (photo: droits réservés)

Un observatoire « territoires-gibiers » est dans les cartons du groupement d’intérêt public Aménagement du territoire et gestion des risques (GIP Atgeri), en Nouvelle-Aquitaine.

Sylviculture irrégulière, renouvellement post-tempête

Deux projets se consacrent à la sylviculture dite irrégulière. L’un vise à développer le dispositif « Forêt irrégulière École », sous l’égide du CRPF en Occitanie. L’autre, le « Forest Lab », porté par Pro Silva France avec six partenaires dans le Grand Est, prévoit un budget de 531 000 euros HT sur 3 ans. Une plateforme est à créer pour centraliser des connaissances dans le domaine et nourrir une « Forêt irrégulière École ». Celle-ci doit notamment fournir des formations, en lien avec des écoles forestières (bac pro, BTS, ingénieur) et des organismes proposant des formations continues (CNPF, ONF, Fédération des communes forestières – FNCOFOR, Pro Silva France, AgroParisTech).

L’optimisation des travaux sylvicoles post-tempête, c’est le projet d’AgroParisTech-Nancy aux côtés de l’ONF, du CRPF Grand Est, de l’Institut du développement forestier (IDF-CNPF), avec les deux unités mixtes de recherche, le laboratoire d’écologie et écophysiologie forestières (EEF) et celui d’étude des ressources forêt-bois (Lerfob). Avec une enveloppe globale estimée à 557 000 euros HT sur 3 ans, il s’agit de prolonger un projet existant, en valorisant les données des réseaux post-tempête. La finalité ? Pouvoir conseiller propriétaires et gestionnaires forestiers sur la façon d’assurer un renouvellement forestier de qualité après une tempête, en tenant compte des particularités de chaque station notamment. La création d’un outil d’aide à la décision est prévue, permettant de chiffrer les investissements à prévoir.

Regroupement de l’offre de bois, vente par Internet

La mobilisation du bois sur le terrain est le fil d’Ariane de plusieurs projets lauréats. Ainsi, « Metis », emmené par l’Union des associations de communes forestières d’Auvergne-Rhône-Alpes, rassemble chambre d’agriculture, CNPF, ONF, coopérative Coforet, institut FCBA, interprofession forêt-bois régionale, aux côtés de plusieurs collectivités, de la société d’aménagement Safer, de Fransylva Rhône-Alpes ou encore d’un groupement de scieurs. Il s’agit à la fois d’adapter les forêts, notamment celles de montagne, au changement climatique, de centraliser l’offre de bois publique-privée au-delà de l’échelle des propriétés, d’investir dans du matériel adapté aux fortes pentes, d’organiser des chantiers territoriaux publics-privés d’exploitation forestière, de valoriser les gros bois (sous forme de billons courts par exemple), d’engager élus locaux et transformateurs du bois dans des contrats d’approvisionnement pluriannuels et, à terme, d’envisager le débardage du bois par ballon captif (relié au sol) et son transport par dirigeable. Le développement d’outils numériques est aussi inscrit dans ce programme chiffré à 2,2 millions d’euros HT.

Vendre du bois par Internet, c’est l’objet d’un outil numérique, à développer en Nouvelle-Aquitaine sous la houlette du cabinet Coudert, actif dans l’expertise forestière. Ce projet « Neosylvaq » comprend aussi une future plateforme Web utilisant la géolocalisation, et où les vendeurs, acheteurs, gestionnaires forestiers et autres entreprises de travaux, ont accès aux données de vente.

Forêt, chimie et biomolécules

Un projet s’oriente vers la chimie du végétal, « Extractibles forestiers de l’Est ». Il prévoit d’édifier un outil d’aide à la décision sur la faisabilité de l’émergence d’une filière forêt-chimie. Vu l’hétérogénéité de la ressource, il s’agit d’identifier des biomolécules contenues dans différentes composantes des arbres (branches, nœuds, écorce, duramen, aubier), utilisables en cosmétiques ou en biomatériaux. Le projet s’intéresse d’abord à des essences présentes dans l’Est de la France. Il est mené par l’INRA et l’université de Lorraine, avec l’IGN, joints par divers partenaires.

Le ministère n’a pas encore confirmé le montant de ses soutiens à tous les lauréats. Les aides s’avèrent parfois cumulées avec d’autres subventions, des régions ou de l’Ademe. Certains des programmes sont susceptibles de voir leurs contours évoluer.

Chrystelle Carroy/Forestopic

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