Présidentielle 2022: les professionnels de la forêt et du bois avancent avec un enjeu de «souveraineté nationale»

Jean-Michel Servant, président de France Bois Forêt (à gauche), Frédéric Carteret, président de France Bois Industrie Entreprises (à droite) (copie d’écran de la téléconférence de presse)
Jean-Michel Servant, président de France Bois Forêt (à gauche), Frédéric Carteret, président de France Bois Industrie Entreprises (à droite) (copie d’écran de la téléconférence de presse)
Présidentielle 2022: les professionnels de la forêt et du bois avancent avec un enjeu de «souveraineté nationale»

La forêt et du bois incarneront-ils un enjeu de la campagne présidentielle de 2022 ? Les organisations professionnelles situent leurs priorités à la croisée des fonctions environnementale, sociétale et économique de la forêt. Et ceci sans s’interdire une autocritique

 

La forêt et le bois offrent une carte maîtresse dans les objectifs de décarbonation de l’économie, de neutralité carbone, de préservation de la biodiversité et, qui plus est, le matériau fibreux bénéficie d’une « cote d’amour » auprès des Français, dans un secteur créateur d’emplois et de valeur ajoutée. Partant de là, les deux organisations professionnelles France Bois Forêt (FBF) et France Bois Industrie Entreprises (FBIE) ont présenté, lors d’une téléconférence de presse, ce 2 février 2022, 23 propositions qu’elles comptent adresser aux candidats à l’élection présidentielle de 2022.

Usages du bois, climat, métiers, concertation

Exposées dans un « manifeste », ces propositions visent :

le développement des usages du bois et des capacités industrielles du pays, par une adaptation des aides publiques aux PME et entreprises de taille intermédiaire, par une simplification de la fiscalité des entreprises, par une commande publique privilégiant le bois et autres matériaux biosourcés, ou par une intégration de la biomasse dans le plan hydrogène ;

l’adaptation des forêts au changement climatique, par une diversification des essences, le financement du renouvellement forestier, ou encore la prévention et la gestion des risques ;

– le renforcement des compétences et de l’attractivité des métiers, via une attention à porter aux conditions de travail, à la formation et à l’apprentissage, notamment ;

un « rapprochement » entre les citoyens et la filière forêt-bois, en mettant l’accent sur les programmes de l’Éducation nationale et en comptant sur le rôle de médiateurs que jouent les élus locaux sur le terrain. Face aux controverses sur la gestion forestière, les professionnels ont aussi noué un dialogue avec des « ONG représentatives » ; selon Jean-Michel Servant, président de FBF, « nous avons engagé et souhaitons consolider une concertation régulière », avec WWF, France Nature Environnement (FNE), Humanité et Biodiversité, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO), Réserves naturelles de France, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).

Et un ministre de la Forêt ?
En 2017, FBF et FBIE avaient réagi avec verve lors de la disparition de « la forêt » dans l’intitulé du ministère de l’Agriculture. D’autres voix, comme celle d’Anne-Laure Cattelot, députée du Nord, se sont élevées pour la mise en place d’un ministère dédié à la forêt et au bois. Aujourd’hui, le président de France Bois Forêt, Jean-Michel Servant, tempère : « Cela relève d’un choix politique », déclare-t-il.

Cap sur la RE2020 et la compétitivité

La nouvelle RE2020, réglementation environnementale pour le bâtiment, renferme des promesses pour la filière bois. Cependant, « comment les entreprises peuvent-elles s’engager s’il y a une clause de revoyure à chaque cran, 2025, 2028 », argue Frédéric Carteret, président de FBIE.

De façon plus générale, la compétitivité des entreprises ressort comme une priorité partagée. À ce titre, pour les scieurs, la sécurisation des approvisionnements reste une préoccupation.

Selon Jacques Ducerf, président de la Fédération nationale du bois (FNB), « la ressource est là, mais un chêne sur trois part à l’exportation sans transformation ». Or, d’après les douanes chinoises, les grumes de chêne provenant de France et vendues en Chine, destination principale de cette essence feuillue à l’export, représentent de l’ordre de 425 300 m3 en 2021, tandis que la récolte de chêne avoisine, dans l’Hexagone, les 2 millions de m3 par an (en qualité bois d’œuvre, hors chêne à tranchage et merrain), ce qui porte la part des exports vers la Chine à environ 20 %.

« Retrouver les parts de marché perdues »

Frédéric Carteret, de FBIE, émet son diagnostic :

« La France avait arrêté d’investir au niveau industriel dans le bois à la fin des années 1990. Avec certains pays du nord de l’Europe, il s’est créé un fossé. Aujourd’hui, 80 % de nos bois d’ingénierie sont importés, il faut travailler dessus. C’est aussi l’enjeu de cette mobilisation. »

« Dans la construction bois, à peu près 30 % des bois viennent de France, avec une grande marge de progression », relève pour sa part Paul Jarquin, président de la fédération d’interprofessions régionales Fibois France.

Dominique Weber, président du Comité de développement des industries françaises de l’ameublement et du bois (Codifab), pointe, lui aussi, un « désinvestissement majeur dans l’industrie, en particulier celle du meuble ». Il se veut optimiste :

« Il n’y a pas de raison que nous ne retrouvions pas les parts de marché perdues. C’est tout un écosystème à reconstituer, avec les usines, les fabricants de machines, le digital ; cela va prendre un peu de temps. »

Le meuble incarne d’ailleurs un marché potentiel pour les bois feuillus. « Nous travaillons avec FBF sur le marketing pour les essences délaissées, comme le merisier, le frêne », indique Jacques Ducerf. Ce qui se complète d’initiatives en matière de classement mécanique des bois pour la construction.

Dans cet exercice, la filière forêt-bois veut s’afficher comme parlant d’une même voix, comme elle l’a fait avec son plan « Ambition bois construction 2030 ».

C. C./Forestopic

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