Construire en bois de feuillus: les innovations du projet EU-Hardwoods

Dôme d’une villa soutenu par des poutres cintrées en lamellé-collé de chêne fournies par Simonin
Dôme d’une villa soutenu par des poutres cintrées en lamellé-collé de chêne fournies par Simonin (photo Simonin)
Construire en bois de feuillus: les innovations du projet EU-Hardwoods

Comment tirer le meilleur parti des bois de feuillus en construction ? Marier différentes essences ou qualités de bois peut permettre de gagner en technicité.

 

L’avenir des feuillus en construction passe-t-il par les résineux ? Du bois lamellé-croisé (CLT) hybride alliant épicéa et hêtre a été développé à l’occasion du projet européen EU-Hardwoods. C’est l’une des pistes de développement pour les feuillus dans la construction, et qui a été présentée lors du Forum bois construction, organisé à Épinal et Nancy du 5 au 7 avril 2017.

Le constat est connu. Les feuillus restent majoritaires dans la forêt française, mais leur utilisation s’avère minoritaire dans la construction bois. D’autres pays européens partagent cette problématique, d’où le projet EU-Hardwoods qui regroupe une petite dizaine de partenaires* d’Autriche, Allemagne, France et Slovénie.

L’alliage de l’épicéa et du hêtre pour gagner en résistance

Chêne, hêtre, frêne, châtaignier… en vue de mieux valoriser les bois de feuillus dans la construction, EU-Hardwoods vient de se dérouler sur 27 mois avec un budget d’1 million d’euros, comprenant des aides de la Commission européenne dans le cadre du programme de recherche WoodWisdom-Net.

Dans le CLT hybride épicéa-hêtre, les couches de feuillu confèrent à l’ensemble une résistance et une rigidité accrues. Pour ce nouveau système constructif, un document d’évaluation européenne (European assessment document, EAD) est en préparation. Cette procédure d’EAD se destine aux produits innovants, non couverts par une norme communautaire harmonisée, dans l’optique d’en faciliter la circulation au sein du marché unique.

Un panaché de grumes pour le lamellé-collé de chêne

Le bois lamellé-collé de chêne est une autre thématique du projet EU-Hardwoods. À ce titre, l’institut FCBA a étudié deux scénarios, l’un faisant appel à des bois de qualité homogène, l’autre utilisant un panaché de plusieurs qualités, provenant toutes de chênaies françaises. Ceci en vue de maximiser la valorisation de la ressource dans sa diversité. Le panaché implique de sélectionner les grumes, afin notamment de « tirer parti des propriétés mécaniques élevées des arbres jeunes, le plus souvent issus d’éclaircies », note André Richter, de FCBA.

Le chêne prisé pour son esthétique

Simonin, entreprise située à Montlebon (Doubs) et partie prenante du projet EU-Hardwoods, fabrique du lamellé-collé de chêne depuis une trentaine d’années. Ce produit est utilisé en plancher porteur, en poteau poutre. Cette essence emblématique se cantonne, pour l’heure, dans un marché de niche. Cela reste une question de prix, puisque la matière brute peut s’avérer quatre fois plus onéreuse que son équivalent en épicéa. Le produit final peut coûter 1,5 à 2 fois plus cher, études et pose comprises. Jannick Jahnke, technicien de vente chez Simonin, n’y voit pas moins des débouchés prometteurs :

« Le chêne a l’esthétique comme principal atout, tout en répondant aux mêmes exigences structurelles que l’épicéa. Il peut satisfaire une demande croissante pour des villas de luxe qui se démarquent par un certain cachet. »

Le lamellé-collé en chêne de Simonin a pris place dans des réalisations variées, telles que l’escalier du siège social d’une société de transport maritime aux Pays-Bas, un kiosque urbain à Ampuero (Espagne), le dôme d’une villa soutenu par des poutres cintrées et long de 20 mètres (photo). La PME de 100 salariés réalise un chiffre d’affaires annuel de 20 millions d’euros, pour 18 000 m3 de produits bois transformés par an toutes essences confondues.

Une ressource forestière croissante à valoriser

Avec des produits à haute technicité, l’enjeu pour les feuillus est de trouver un accès facilité au marché, et aussi de valoriser une ressource existante, voire en expansion. Selon André Richter, de FCBA :

« En ce qui concerne les perspectives d’évolution, on peut s’attendre à des volumes de bois récoltables annuellement constants et même croissants pour le chêne et le hêtre au cours des prochaines décennies. »

Sur le plan technique, le programme européen a aussi mis en évidence la nécessité de poursuivre le développement de classes de résistance mécaniques adaptées aux feuillus.

Chrystelle Carroy/Forestopic

* Partenaires du projet EU-Hardwoods : le centre de recherche sur les produits forestiers Holzforschung, le centre de recherche sur les forêts BFW, l’organisation Fachverband der Holzindustrie (Autriche) ; l’institut de test des matériaux MPA de l’université de Stuttgart, l’institut de recherche forestière de Baden-Württemberg FVA (Allemagne) ; l’institut FCBA, l’entreprise Simonin (France) ; l’université de Ljubljana, le centre de design dans la construction contemporaine (Slovénie).

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